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Damas qu’ils leur ont permis, ce qu’alors ils refusaient à tous les chrétiens, de pénétrer dans la grande mosquée.

Des Filles de la Charité, je vais chez les Lazaristes. Ils ont deux écoles primaires, une payante, une gratuite, et en admettent les meilleurs élèves dans leur collège d’enseignement secondaire, à des conditions de faveur. Dans ce collège, près de la moitié des enfants (85 sur 205) appartiennent aux meilleures familles musulmanes de Damas, du Hauran et de l’Arabie, et chaque année un certain nombre d’eux vont achever leurs études en France. Ces messieurs me demandent quelques revues et journaux français, un cabinet de physique… Des vœux modestes, une organisation solide, efficace, émouvante.

Ah ! les beaux et grands spécimens d’activité, féminine ou virile ! Ces Lazaristes, quels défricheurs ! Ces Filles de la Charité, des prodiges de grâce au milieu de cette humanité aride ! Les uns et les autres sont marqués par l’esprit, à la fois si mystique et si pratique, de M. Vincent, leur fondateur. Ce qui me frappe dans ces deux visites (et que je devais voir, le lendemain encore, chez les Franciscaines de Marie) c’est que nos religieux et nos religieuses fabriquent des Franco-arabes… Que ne puis-je m’avancer plus avant dans la connaissance de ce magistral problème !

Il me semble quelquefois, au cours de mes visites, que je perds, à ressentir mon émotion, ce qu’il me faudrait de force pour raisonner des faits qui, de toutes parts, m’assiègent et me débordent.


Il y a quelques années, à Paris, j’ai vu venir chez moi l’émir Omar, le petit-fils d’Abd-el-Kader, désireux de faire augmenter la pension que la France lui servait en souvenir de son aïeul. Il demandait aussi qu’on lui permit de vendre sa maison de Damas, pour entretenir d’autant mieux sa propriété de campagne. Je m’employai à lui être agréable, et quand il nous quitta, je lui promis de lui rendre sa visite à Damas. Une promesse de courtoisie, un peu au hasard. Mais tout se place à son heure dans la vie des poètes, et ce matin, dans la vallée étroite, sur une assez bonne route, le long de la Barada et du chemin de fer de Beyrouth, une voiture m’emmène à la maison de campagne de l’émir Omar.