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afin d’amener au maître de cet esclave, par le moyen des démons, une femme dont il était profondément épris. L’arrivée imprévue de passants sauva l’esclave. De graves rumeurs coururent la ville. Quelques amis ou compatriotes de l’étudiant soupçonné, — c’était un Egyptien, — se rendirent à son domicile, et lui dirent qu’ils venaient examiner ses livres, à cause du soupçon dont il était l’objet. Le chroniqueur était de cette délégation, et il raconte : « L’étudiant fit apporter tous les livres qui étaient placés en vue dans sa maison. N’y ayant rien trouvé de ce que nous cherchions, l’esclave de cet homme, dont on avait comploté le meurtre, nous indiqua la chaise de son maître, en nous donnant à entendre par signes que, si nous enlevions seulement une planche, aussitôt les livres que nous cherchions apparaîtraient. C’est ce que nous fîmes. Lorsqu’il s’aperçut que son artifice était connu de tout le monde, il se jeta sur sa face et nous supplia, les larmes aux yeux, de ne pas le livrer aux lois. Nous lui répondîmes que nous n’étions pas venus auprès de lui pour lui faire du mal, mais dans le désir de sauver et de guérir son âme. Il devait toutefois brûler de sa propre main ces livres de magie, dans lesquels il y avait certaines images de démons pervers, des noms barbares, des indications présomptueuses et nuisibles, et qui étaient remplies d’orgueil. Certains d’entre eux étaient attribués à Zoroastre le Mage, d’autres à Ostampis le Magicien, enfin d’autres à Manéthon… Il promit de les brûler et ordonna qu’on apportât du feu. Entre temps, il nous racontait qu’étant tombé amoureux d’une femme, pour triompher de son refus, il avait eu recours à la perversité de cet art, mais l’art des magiciens était tellement impuissant, et leurs promesses tellement vaines, que cette femme le haïssait encore davantage. À cause d’elle, non seulement lui, mais beaucoup d’autres s’étaient adonnés à la magie et à la sorcellerie. Il énuméra leurs noms en disant qu’ils possédaient des livres do ce genre. Lorsqu’on lui eut apporté le feu, il y jeta de sa propre main ses livres de magie… »

À la suite de cet incident, il se fit dans Beyrouth une grande recherche et destruction des livres de magie (qui semblent bien avoir été les œuvres de Zoroastre), et ceux qui les possédaient étaient gravement inquiétés…

C’est dans de tels récits que l’on voit comment furent brûlés les vieux livres, parce qu’ils compromettaient leurs possesseurs,