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— « Qu’il soit béni, Celui qui posa l’espérance sur les tombes.. »

― En effet, c’est une inscription que j’ai relevée dans un cimetière lorrain, pour la citer dans Metz captive. Un grand texte, dérivé de saint Paul. Et justement je me suis promis qu’à Damas je visiterais avant tout le lieu où tomba le premier des génies chrétiens.

— C’est assez loin, hors de la ville.

— Eh bien ! nous irons autant que nous pourrons dans cette direction.

Nous avons, tous, dans notre vien un certain nombre de curiosités à satisfaire, un petit programme de désirs à remplir. Quand le comte de Basterot, l’ami de Gobineau et de Bourget, esprit romanesque et tout rayonnant de beaux enthousiasmes, mais infirme de corps, me raconta jadis s’être fait porter en litière, sur ce chemin de Jérusalem, jusqu’au point du miracle, je l’enviai avec émerveillement. En ce temps-là, une telle visite, même d’un homme ingambe, pouvait paraître méritoire. Aujourd’hui, qui n’est allé en Orient ? Et pourtant je suis heureux qu’à mon tour je puisse biffer de mes rêveries ce « chemin de Damas. » C’est avec enchantement que demain, à mon réveil, je vais mettre le deleatur sur mon vieux désir de voir l’horizon exact où, en proie au plus émouvant des transports de l’esprit, le persécuteur d’hier se changea en apôtre.

Et voilà comment, dès ce premier matin de mon séjour, je descends le long faubourg du Meïdan, sous un ciel d’immortelle jeunesse, en croisant de longues files de chameaux et de Bédouins, armés de lances ou de fusils, au milieu de cette odeur si particulière des villes d’Orient, un peu écœurante et chargée d’images attrayantes, — ici, des images de force animale, de beauté éphémère, de barbarie fière et malpropre. Les Arabes du désert viennent au Meïdan, depuis le début des âges, faire leurs ventes et leurs achats. Beaucoup d’entre eux y paraissent, à deux, trois brèves reprises, dans leur vie, sans avoir su à quelle époque nous vivons, ni de quoi le monde est fait. Au milieu de cette foule grouillante, les voilà isolés, assis sur des estrades, l’œil perdu dans leur rêverie fataliste, ou bien par cercle de dix ou vingt, taciturnes et nobles, tous pareils à notre Lamartine, ou, mieux encore, à leurs splendides chevaux légendaires qu’il a célébrés. Une promenade dans le Meïdan,