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Rhin, un demi-cercle de 30 kilomètres de rayon ; on ne prit pas garde qu’il s’en fallait de quelques kilomètres que les trois zones se recoupassent et formassent une bande continue, si bien que le contrôle du chemin de fer de la rive droite nous échappait, et que l’établissement d’une surveillance douanière était malaisé ; cette inadvertance a été réparée. C’est une conséquence des sabotages et des grèves ordonné par le Reich qui, ici encore, ne peut s’en prendre qu’à lui. Des péniches chargées ayant été coulées dans le canal du Rhin à Herne, les troupes françaises ont occupé, le 3, les ports de Mannheim et de Carlsruhe, sur la rive droite du Rhin, la gare et les ateliers de Darmstadt, nœud important de chemins de fer. Les efforts franco-belges vont se porter maintenant sur l’exploitation économique de la Ruhr ; les gages saisis et consolidés, les transports organisés, il s’agit d’arriver peu à peu à un meilleur rendement : c’est une nouvelle phase de l’occupation qui commence. La perception des impôts s’améliore. Nos troupes ont saisi à plusieurs reprises des sommes importantes destinées à alimenter la résistance, notamment une somme de 13 milliards de marks (10 millions de francs-papier) avec les planches destinées à fabriquer d’autres milliards. La résistance allemande nous oblige à nous installer de plus en plus. La mauvaise volonté de la population va s’atténuant. Le général Dégoutte, dans la proclamation qui accompagne son arrêté du 1er mars, déclare que « les fonctionnaires, employés et particuliers qui se conformeront aux ordres des autorités d’occupation, et notamment les contribuables qui acquitteront leurs impôts aux caisses désignées par elles, sont directement placés sous la protection des Gouvernements alliés. Ceux-ci s’engagent à les garantir, dans le présent et dans l’avenir, contre toutes représailles de la part de l’administration allemande, et à ne pas négocier avec le Gouvernement du Reich tant qu’il n’aura pas donné à cet égard des assurances formelles. » C’est là un point très important : il faudra des garanties précises.

L’esprit public évolue lentement ; la fièvre collective qui s’est emparée du peuple allemand et qu’alimentent le Gouvernement et les magnats de l’industrie, sévit du haut en bas de la société. L’Aile magne, toujours disciplinée, obéit au bâton du chef d’orchestre. « Nous avons en Allemagne des fous, » avouait M. Gessler. De fait, les nouvelles les plus folles trouvent créance : tantôt de grandes manchettes annoncent que la France mobilise, tantôt que M. Poincaré va être renversé, tantôt que l’Angleterre ou l’Amérique interviennent. Le peuple allemand est hors de sens, hors d’état d’entendre le langage