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des engagements réciproques et permanents. Le plus sage est d’en revenir à une politique d’entente « de cas en cas, » procédure lente et insuffisante, mais du moins réalisable et d’asseoir l’ordre européen sur un système continental. L’Angleterre y trouverait place si elle le souhaitait, et, en tout cas, il ne serait en rien dirigé contre elle.

Dans le « cas » actuel, l’Angleterre hésite et cherche sa voie ; elle ne comprend pas ce que lui disent certains Anglais clairvoyants, que la France, une fois de plus, travaille dans l’intérêt général ; elle est mécontente de nous parce que nous avons agi sans son aveu et surtout parce qu’au fond de sa conscience, elle est mécontente d’elle-même. « Il ne saurait y avoir de condamnation plus sévère et plus décisive de la politique de l’Europe, et je veux dire aussi de l’Angleterre, que la situation actuelle, » affirmait le 24 M. Asquith. Dans cette condamnation il englobe d’abord la politique franco-belge. La phrase de lord Grey, que nous venons de citer, est précédée d’une autre où il exprime sa conviction que « la procédure adoptée par la France ne résoudra pas le problème. » Lord Derby, membre du Gouvernement, dans un discours, comme toujours, très amical (2 mars), déclare que son cœur est avec nous au delà du Rhin, mais que sa tête reste en deçà ; la nation est comme lui, cruellement partagée entre son cœur et ce qu’elle croit être sa raison. Moins amical est le discours de lord Curzon du 27 février, puisqu’il laisse planer un doute sur la légitimité de l’action franco-belge. Il faut toujours répéter que le conflit actuel étant une bataille d’opinion, en même temps qu’une bataille économique, clamer, même sur un ton amical, que la France et la Belgique se trompent et marchent à un échec, c’est, en réalité, favoriser l’Allemagne et l’encourager. Quant aux journaux « libéraux, » comme le Daily Chronicle et la Westminster Gazette, qui se font l’écho des mensonges ignominieux de la presse allemande et qui en ajoutent de leur cru, ils ne valent pas l’honneur d’une discussion : il suffit de les nommer.

La situation du Cabinet, attaqué par les travaillistes et par M. Lloyd George, sollicité et âprement critiqué par la presse d’Allemagne et les journaux germanophiles d’Angleterre qui incriminent son inaction, pressé d’autre part par les amis de la France, est très délicate Ne doutons pas que ses membres ne se trouvent souvent dans la douloureuse situation où s’est dépeint avec humour lord Derby. Trois échecs électoraux viennent d’atteindre le Cabinet ; trois de ses membres, le colonel Stanley, frère de lord Derby, sir Arthur Griffith