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Cette sympathie, les physiciens l’appellent prosaïquement la résonnance.

Eh bien ! la résonnance paraît jouer, dans la formation des marées et dans leurs caractéristiques locales, un rôle essentiel.

On a depuis longtemps observé dans les lacs des vibrations, ― causées par des ébranlements atmosphériques ou autres, ― des oscillations d’ensemble de leurs masses aqueuses qu’on appelle des seiches. Les physiciens suisses, américains et japonais en particulier ont fait là-dessus de fort beaux travaux.

Il est maintenant prouvé que les seiches sont des oscillations propres des lacs, conditionnées par la configuration et les dimensions de ceux-ci, de même que les oscillations sonores des cordes instrumentales sont fonction de leur longueur, de leur épaisseur, de leur matière.

On possède des formules qui permettent, connaissant les dimensions d’un lac de forme à peu près régulière, de calculer les périodes des seiches qui doivent s’y produire. Les résultats du calcul sont en bon accord avec les faits observés.

Quand le lac a une forme irrégulière, le calcul devient compliqué. Les physiciens japonais ont tourné la difficulté par une ingénieuse méthode expérimentale. Des modèles réduits des baies à étudier sont immergés dans un bassin rectangulaire où des ondulations sont produites par un pendule oscillant de longueur variable. Lorsque la période d’oscillation du pendule coïncide avec celle de l’oscillation propre du modèle, il se produit dans ce dernier une oscillation de très grande amplitude qui persiste longtemps après qu’on a arrêté le pendule lui-même. De même, lorsque vous heurtez successivement les diverses notes d’un piano en présence d’un diapason, celui-ci se met à vibrer lorsqu’arrive la note avec laquelle il est en résonnance. De la période ainsi observée les Japonais déduisent celle de la baie au moyen du principe de similitude. Cette recherche est d’ailleurs pour eux d’un grand intérêt pratique, car les seiches de très grande amplitude, les tsumanis des baies japonaises ont souvent causé de véritables désastres.

C’est ce même phénomène de résonnance qui semble précisément la cause efficiente des singularités des marées, et qui en fournit l’explication la plus rationnelle. Il s’attache donc un intérêt puissant à la détermination précise des périodes d’oscillation propre des grands bassins océaniques, comme aussi, en seconde analyse, des détroits, baies, plages, estuaires divers.