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alors que règnent de forts courante alternatifs ? Pourquoi au contraire, à 150 kilomètres seulement plus au Nord, dans cette même mer d’Irlande, à l’Ouest de l’île de Man, y a-t-il une aire assez vaste où le courant est constamment nul, tandis que l’amplitude verticale delà marée est considérable ? Bref, pourquoi dans les amplitudes, les heures, les rythmes, les périodicités des marées, observe-t-on tant de différences énormes, non pas seulement d’une époque à l’autre, mais le même jour d’un lieu à l’autre ?

C’est ici qu’interviennent les facteurs locaux, la configuration particulière et variable des fonds et des bords océaniques. La lune et le soleil causent les marées, mais c’est la surface terrestre qui les forme, qui les modèle.

Il est facile de comprendre pourquoi. Considérons un pendule auquel on imprime un choc, une impulsion. Quelle que soit cette impulsion, le pendule ne tardera pas à prendre une oscillation toujours la même par sa durée, uniforme, dont la période dépend exclusivement de la matière du pendule et de ses dimensions. Le pendule a adapté, a « naturalisé, » si j’ose dire, le choc reçu. Ce même choc se fût traduit sur un pendule différent par une oscillation uniforme différente.

Pareillement, donnons un choc à un diapason ou à la corde d’un instrument. Ce diapason et la corde répondront par leur son propre, toujours le même, s’ils sont dans des conditions constantes ; ils vibreront, mais suivant le rythme de la vibration qui leur est particulière ou de ses harmoniques.

Bref, les corps matériels qui subissent des déplacements périodiques, des mouvements vibratoires, ne sont susceptibles que de certains rythmes qui leur sont propres à l’exclusion des autres, et qui seuls sont compatibles avec leurs natures et leurs dimensions. Essayez de faire battre la seconde à un balancier simple de dix mètres de longueur. Vous n’y arriverez pas plus qu’à changer d’une octave le la d’un piano bien accordé, quelle que soit la façon dont vous attaquez cette note.

Secouez une cuvette ou une carafe, à moitié pleine d’eau. Vous remarquerez que, quelle que soit la nature du choc, l’eau se mettra à y osciller toujours du même rythme.

Il existe une sorte de sympathie, d’accord, d’harmonie préétablie entre tel objet et tel rythme, qui fait que l’un ne peut vibrer que suivant la norme de l’autre. N’est-ce pas un peu aussi ce que nous voyons dans le domaine des sentiments, et singulièrement de l’amour ?