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ces deux actions ne sont que rarement synchrones, ou du moins synergétiques en un même lieu. Tantôt elles se contrarient, tantôt elles se renforcent plus ou moins, D’autre part, la déclinaison de la lune est continuellement changeante. Elle est tantôt au-dessus, tantôt au-dessous de l’équateur, et, lorsqu’elle passe au méridien d’un lieu donné, elle est plus ou moins haut sur l’horizon, les différences pouvant être énormes à quelques jours d’intervalle. Il en est de même du soleil, quoique à un degré moindre.

Tout cela fait que l’intensité et la direction du champ perturbateur produisant les marées, varient continuellement et d’une maniéré fort compliquée. De là, dans les caractéristiques des marées en chaque lieu, des périodicités multiples et qui, plus ou moins superposées, concordantes ou discordantes, amènent dans les phénomènes la grande diversité qu’on observe.

La plus connue, populairement, de ces périodicités est celle qui, deux fois par mois, — à la pleine et à la nouvelle lune, — renforce la marée, la direction du soleil et celle de la lune étant alors sensiblement les mêmes et leurs actions concourant. Toutes ces périodicités sont aujourd’hui assujetties au calcul et en particulier aux méthodes de l’analyse harmonique. On possède d’ailleurs des appareils ingénieux, des Tide Predictors (ici comme dans le sport, la terminologie anglaise triomphe), qui, aussi bien que le calcul, permettent de tracer longtemps à l’avance pour quelque lieu que ce soit, et en partant des données observées, le tableau des marées, heures et amplitudes.

Mais tout cela ne suffît point encore à donner au « phénomène marée » ses caractéristiques singulières. Car enfin, pourquoi toutes les différences qu’on constate d’un point à l’autre du globe, et si surprenantes qu’on pourrait douter qu’il s’agit partout d’un seul et même phénomène ? Pourquoi, tandis que les fervents du bain sur nos plages françaises ont leurs deux pleines mers quotidiennes, pourquoi ceux qui se baignent à Doson, la grande station estivale du Tonkin, ne voient-ils qu’une seule pleine mer en vingt-quatre heures. A Tahiti, au lieu de retarder chaque jour d’une heure comme partout ailleurs, et comme la lune elle-même retarde sur le soleil, pourquoi les pleines et basses mers ont-elles toujours lieu vers les mêmes heures, « comme si la mer, rebelle au joug de la lune, se faisait ici la suivante docile du soleil ? »

Pourquoi dans le canal de Saint-Georges, près du petit port irlandais de Courtown, le niveau de la mer reste-t-il sensiblement invariable,