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C’était un grand adversaire des « qualités occultes. » La périodicité, le synchronisme signalé par Posidonius ayant été confirmé, la question s’était posée de savoir comment cette action extérieure des astres sur les océans pouvait s’exercer.

Par une « espèce d’attraction » analogue au magnétisme, répondait Scaliger. Par une « tendance » des eaux de la mer à suivre les corps célestes dans leur révolution vers l’Ouest, disait Bacon. Et Képler attribuait à la « vertu attractive » de la lune la course des eaux vers la barrière occidentale.

On a beaucoup plaisanté et dénigré le mysticisme qui gît dans ces explications par des qualités occultes. M. Fichot lui-même trouve que « entre la vertu attractive de Képler et la gravitation newtonienne, il y a tout l’abîme qui sépare une pure rêverie d’une véritable théorie scientifique. » Il me semble qu’il y a dans tout cela un malentendu. Newton a trouvé que la « vertu attractive » de Képler a un caractère universel ; il en a donné une expression mathématique simple, exacte qui rend compte des phénomènes passés et prévoit les futurs. Mais en tant qu’explication qualitative (et non plus seulement d’expression quantitative) des choses, nous ne savons rien de plus avec Newton qu’avec Képler. Non, on ne peut pas dire que « Newton a mis à nu le ressort même de la Nature. »

Le pourquoi, le primum movens de l’attraction nous reste caché avec l’un comme avec l’autre. On a raison certes de dénigrer et de repousser du pied les qualités occultes. Newton lui-même savait très bien, — et il l’a dit expressément, bien que ses commentateurs s’y soient parfois trompés, — qu’il n’expliquait pas l’attraction. En vérité, je crois que toutes les qualités sont occultes. Ce qui est qualité pure dans le monde extérieur est dénué de toute signification objective. La science ne peut et ne doit connaître que les relations, les rapports des objets, le comment et non le pourquoi.

Avec Newton, l’ « attraction » des corps n’est pas moins occulte et mystérieuse qu’avec Képler et les scolastiques, quelque nom qu’on lui donne.

Le seul physicien qui ait peut-être arraché à la gravitation quelque chose de son caractère occulte est Einstein, selon qui elle cesse d’être une force attirante, pour devenir une conséquence naturelle de la courbure spatiale du monde extérieur. Ici vraiment l’occulte a été délogé jusqu’aux confins du connaissable.

Et c’est pourquoi j’ose n’être pas d’accord avec M. Fichot lorsqu’il