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des jésuites ; mais la publication de l’Histoire du peuple de Dieu du Père Berruyer et les spéculations commerciales du Père La Valette sont les causes directes de la catastrophe. « C’est proprement la philosophie, dit d’Alembert, qui par la bouche des magistrats a porté l’arrêt contre les jésuites, le jansénisme n’a été que le solliciteur. »

Enfin il n’est pas vrai que l’organisation de l’Église révolutionnaire ait été inspirée par l’esprit janséniste. La Constitution civile du clergé fut élaborée par un comité de trente membres où il y avait à peine quatre jansénistes. Dans les délibérations on ne parla ni du Formulaire, ni de la Bulle, et, la loi votée, les « amis de la vérité » se divisèrent : Le Paige, Camus, Larrière, Durand de Maillane, Grégoire approuvaient ; l’avocat Maultrot, l’abbé Jabineau, Vauvilliers, l’abbé Mey, Louis Silvy, les bénédictins Deforis et Coniac et beaucoup d’autres jugeaient la mesure inique et désastreuse.

Après la Révolution, une petite société resta fidèle aux traditions de Port-Royal. Elle vécut tranquille sous l’Empire, suspecte sous la Restauration, toujours étroitement attachée à l’orthodoxie. Elle a vu la loi Falloux rendre aux jésuites le droit d’enseigner, le concile du Vatican proclamer l’infaillibilité du Pape, le molinisme et le liguorisme triompher dans l’Eglise, elle s’est tue, elle a repoussé avec horreur toute pensée de schisme Sa devise est restée celle de ses devanciers : silere, orare, pati. Pour elle il n’y eut, il n’y aura jamais de jansénisme.


On connaît maintenant le sens et la pensée capitale de cette longue apologie. Elle n’offre rien d’inattendu pour qui connaît les écrits des grands jansénistes : depuis les Provinciales, la thèse n’a point varié ; mais qu’il est intéressant de la voir reprise, développée, historiquement commentée par un homme de notre temps dont elle a inspiré toute la vie ! Puis, comment concevoir le prestige que Port-Royal continue d’exercer sur les imaginations, si l’on ignore les assises spirituelles du jansénisme ?

L’influence religieuse de Port-Royal agit pendant le XVIIIe siècle sur une grande partie des catholiques français ; élit se perpétue au XIXe siècle sur quelques consciences rigides et scrupuleuses ; on peut même dire qu’il existe encore aujourd’hui