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que le « merveilleux » fut pour beaucoup dans le mouvement janséniste de 1730 à 1789.

Sans nous arrêter à ces lacunes, allons à l’essentiel, et pour Gazier, l’essentiel est de justifier et de défendre sa croyance. C’est pour confondre les ennemis de la vérité qu’il composa cette apologie non pas du jansénisme, mais, comme il prend soin de le dire, du « mouvement janséniste ; » car cette pensée domine son livre et y reparait presque à chaque page : jamais il n’y eut de jansénistes, mais seulement de bons catholiques fidèles aux enseignements de saint Augustin, soumis aux lois de l’Eglise, hostiles aux doctrines et aux pratiques de la Compagnie de Jésus. Voilà ce qu’il a prétendu prouver en suivant les vicissitudes de la grande querelle « depuis ses origines jusqu’à nos jours. »

Les arguments que nous allons résumer sont les siens ; nous les exposerons de notre mieux ; étrangers à la théologie, nous laissons le soin de les réfuter à d’autres, s’il s’en trouve ; il s’en trouvera.

Si l’on admet que le jansénisme fut une hérésie, il serait naturel de penser que ses premiers chefs furent des hérésiarques, et condamnés comme tels. Or les trois hommes que l’on considéré comme les pères du jansénisme, Jansénius, évêque d’Ypres, Du Vergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, et le docteur Antoine Arnauld, ont beaucoup écrit, beaucoup publié, mais de leur vivant, personne ne douta jamais de leur parfaite orthodoxie. Jansénius, un bon vivant de flamand à la Jordaens, qui se faisait envoyer par Saint-Cyran des jambons de Bayonne, enfouis sous des paquets d’in-folios, et se divertissait dans sa correspondance à affubler ses amis de noms saugrenus pour mystifier les espions, avait la passion de l’orthodoxie ; certains lui reprochèrent même d’être ultramontain à l’excès. Il fit une compilation de textes tirés de saint Augustin, l’Augustinus. « Je ne me mets pas en peine, écrivait-il, de savoir si les maximes que je produis sont vraies ou fausses, mais seulement si elles sont dans saint Augustin qui a eu assez d’éloquence pour exprimer ses sentiments. » Et dans l’épitre dédicatoire au pape qui précède son ouvrage, comme dans son testament, il déclarait « qu’il soutiendra, qu’il rejettera, qu’il condamnera ou anathématisera tout ce que Rome a voulu soutenir, rejeter, condamner ou anathématiser, et cela parce qu’il veut vivre et mourir dans la communion de cette Eglise. » L’Augustinus fut d’ailleurs