Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/447

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il insiste sur des épisodes qui, à son gré, ne furent pas suffisamment mis en lumière : les relations de Saint-Cyran avec saint François de Sales et avec saint Vincent de Paul, la construction de Port-Royal de Paris, les rapports de Mme de Sablé et de la princesse de Guémenée avec les religieuses, etc... Chaque chapitre forme un essai intéressant et bien ordonné, mais nous aurions quelque peine à y découvrir la suite des événements, si nous n’avions présent à l’esprit le Port-Royal de Sainte Beuve, que, du reste, Gazier complète et rectifie heureusement sur plus d’un point.

Pour les dix-huitième et dix-neuvième siècles, il n’en va plus de même ; le champ était inexploré. Lorsqu’il veut s’orienter à travers les discordes confuses que soulève la bulle Unigenitus, démêler les motifs qui dictèrent la politique du roi, celle des évêques, celle du parlement, déterminer le rôle des jansénistes pendant la Révolution, conter quelle fut, au XIXe siècle, la vie du petit groupe janséniste, Gazier trouve de sûrs moyens d’information dans la bibliothèque de Le Paige, dans les papiers de Grégoire, enfin dans ses propres souvenirs. Il n’a peut-être pas tout dit ; mais qui, après lui, se risquerait à traiter des querelles religieuses du XVIIIe siècle, ne pourrait le faire sans recourir avant tout à son ouvrage.

Il est une question sur laquelle il s’est montré singulièrement réservé, celle des miracles de Saint-Médard et des convulsionnaires. Sainte-Beuve déclare que, pour tout l’or du monde et toutes les promesses du ciel, il ne voudrait pas aborder ce chapitre de l’histoire du jansénisme. Gazier répond qu’on peut aborder les chapitres même les plus scabreux, « quand on a conscience de chercher uniquement la vérité et de se tenir à égale distance des exagérations qui la défigurent. » Il rapporte donc les premiers miracles opérés par l’intercession du diacre Paris, esquisse la biographie de Carré de Montgeron, ce libertin cynique, qui, converti dans le cimetière de Saint-Médard, consacra le reste de sa vie à prouver la vérité des miracles et la sainteté des convulsions ; il relate un curieux entretien du lieutenant de police Bertin avec un médecin parisien (1758) ; mais sans pousser plus loin, il avoue que, pour se prononcer pour ou contre, « le plus sage est d’attendre en silence que la science ait dit son dernier mot, si jamais elle parvient à le dire. » Conclusion prudente, mais qui peut-être décevra les historiens, car il est certain