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plus passionné et de plus éloquent, qu’un opuscule intitulé Bossuet et Louis XIV. Enfin, grâce à lui, il ne reste plus rien de l’histoire romanesque et absurde des amours de Pascal et de Mlle de Roannez, rien du prétendu désaveu que Pascal aurait fait de ses opinions jansénistes à son lit de mort. Il faut aussi rappeler qu’il publia une édition nouvelle des Pensées où la répartition des fragments est conforme à la première édition de Port-Royal, mais les textes y sont rétablis selon la grande édition Brunschvicg, et les pensées non reproduites par les premiers éditeurs s’y trouvent rassemblées sous les rubriques de la version primitive.

Tels furent les services rendus par Gazier à la cause de Port-Royal. A travers toutes ces recherches, tous ces travaux, il ne cessait de méditer un grand ouvrage qui devait être le testament de sa sainte et laborieuse existence. Son dessein était d’écrire une histoire générale du mouvement janséniste. Il y consacra sa vieillesse, une vieillesse assombrie par le chagrin et les deuils ; la guerre lui fut atrocement cruelle, sa famille fut décimée ; puis vint la maladie. Il put cependant achever son entreprise, écrire son dernier feuillet, revoir même les épreuves de son premier volume. Jusqu’à la fin il travailla sous le regard des grands jansénistes dont les portraits étaient le seul ornement de son cabinet d’étude. Ce fut là que, de son écriture claire et soigneusement formée, il recopia, pour en faire la conclusion de son livre, les lignes qu’en 1711, le père Quesnel adressait à Fénelon : « J’ai en horreur tout parti, soit dans l’Etat, soit dans l’Église. Mon nom est chrétien, mon surnom est catholique, mon parti est l’Eglise ; mon chef est Jésus-Christ ; ma loi, c’est l’Évangile ; les évêques sont nos pères, et le Souverain Pontife est le premier de tous. »


Cette Histoire générale du mouvement janséniste tient-elle absolument la promesse de son titre ?

En ce qui concerne le dix-septième siècle, assurément non. L’auteur a craint de reprendre le récit d’événements trop connus ; il renvoie ses lecteurs à l’Abrégé de Racine ; il sait qu’il y a des scènes et des personnages dont on ne peut recommencer la peinture après Sainte-Beuve ; il s’attache donc aux faits et aux hommes sur lesquels il se croit en mesure d’apporter du nouveau,