Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/441

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

alors la propriété d’une tontine nommée société Saint-Antoine, laquelle la remit, en 1868, à une autre société fondée sur le même principe et nommée société Saint-Augustin. Pendant plus de quarante ans, Gazier a été le représentant autorisé de cette petite association.

La société Saint-Antoine n’avait pas seulement la gérance de la boîte à Perrette, elle avait hérité du domaine de Port-Royal. Après la dispersion des religieuses et la destruction du monastère, les terres de Port-Royal-des-Champs avaient continué d’appartenir à l’abbaye de Port-Royal de Paris, devenu, comme on le sait, un foyer de molinisme. En 1791, elles avaient été vendues comme bien national. Les ronces avaient alors recouvert les derniers vestiges des bâtiments rasés par Louis XIV, les champs dépendant de la ferme étaient à peu près incultes. Acquis d’abord par une dame Duprez, puis par les époux Talmours, le domaine fut acheté en 1824 par Louis Silvy. Ce dernier était le fils d’un ancien conseiller du Roi ; crédule et indulgent aux convulsionnaires, détestable poète (il a rimé de fâcheuses inscriptions commémoratives pour les ruines de l’abbaye et les portraits des solitaires), c’était un port-royaliste très fervent. Il accomplit quelques restaurations regrettables et eut le tort de dessécher l’étang qui inspira d’aimables vers à Racine adolescent, mais il se fit bâtir une petite maison près du colombier, et commença d’y réunir quelques souvenirs et quelques portraits ; il y passa la fin de sa vie, veillant de son mieux sur ce lieu vénérable. Après lui, le domaine passa à la société Saint-Antoine, puis à la société Saint-Augustin.

C’est ici que la piété de Gazier s’est exercée de la manière la plus touchante. Il a d’abord rectifié quelques erreurs commises par Louis Silvy, restitué le plan exact du monastère et de ses dépendances. Sur l’emplacement du chœur de l’église du XIIIe siècle, il a fait élever un oratoire-musée dont la construction neuve trouble un peu l’émouvante tristesse du vallon, mais où il a rassemblé des portraits, des livres, des autographes, des gravures, des reliques, des plans qui racontent le passé de l’abbaye. Il a voulu qu’une stèle marquât la place où fut enseveli Racine, avant qu’on eût transporté sa dépouille à Saint-Étienne-du-Mont. Il a donné dans l’oratoire une sépulture convenable à Armand de Bourbon, prince de Conti, que