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Concordat : « On voyait là des fidèles très édifiants, qui assistaient, avec leurs nombreux enfants, à la grand messe et aux vêpres ; ils avaient à la main de gros livres d’office ; ils se tenaient debout pendant le Credo et pendant la Préface ; ils chantaient volontiers avec le chœur ; ils communiaient seulement aux grandes fêtes, et ils s’abstenaient de paraître à la grand messe et aux vêpres le jour du Sacré-Cœur. Hors de là, c’étaient des paroissiens comme tous les autres, et ils avaient bien soin des pauvres. »

Tout le temps que lui laissaient ses étudiants, sa famille, ses prières et ses pauvres, il le donnait à Port Royal. C’était sa joie et sa mission, son grand devoir et son suprême divertissement. Alors ce pacifique s’indignait, cette âme charitable bouillonnait de passion, cet homme d’étude n’épargnait ni ses soins ni ses peines. Pour servir la cause de la vérité il se fit historien, théologien, archéologue même, administrateur.

Tout l’avait prédestiné à cette œuvre : au baptême, un père janséniste lui avait choisi pour patron le saint dont, depuis deux siècles, les persécutés invoquaient le nom et vénéraient la doctrine ; il avait grandi dans un milieu port-royaliste ; de singulières affinités de tempérament et de goût l’apparentaient aux hommes dont il devait honorer la mémoire ; si les gens de Port-Royal ont pu devenir ses maîtres, ses exemples, il n’en fallait pas moins, pour se plier à de tels modèles, un fonds peu commun de sérieux et de vertu.

Il a été toute sa vie le gardien vigilant du patrimoine et de l’honneur du jansénisme.

Le patrimoine se composait de ruines et de reliques, d’une petite fortune et d’une magnifique collection de livres et de manuscrits. Comment tout cela fut-il mis à la disposition de Gazier ? Jusqu’à présent le public en a été mal informé, mais dans son dernier ouvrage, le dépositaire lui-même nous a mieux renseignés.

Par testament, Nicole disposa de ses biens en faveur de légataires ayant mandat de secourir les prêtres qui souffraient pour la vérité, et de préparer des enfants au sacerdoce. Telle fut l’origine de la petite caisse qu’on a appelée la boîte à Perrette ; elle s’accrut bientôt grâce à de nouvelles libéralités. Par une suite de fidéicommis religieusement exécutés, des jansénistes se la transmirent jusqu’au dix-neuvième siècle. Elle devint