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LE DERNIER
DES PORT-ROYALISTES


AUGUSTIN GAZIER ET SON APOLOGIE DU JANSÉNISME


Augustin Gazier, qui mourut le 20 mars 1922, fut,— je n’ose écrire le dernier des jansénistes, car lui-même n’a cessé de répéter que le jansénisme était un fantôme, — mais le dernier des port-royalistes. Et ce mot veut encore un commentaire : jamais le souvenir de Port-Royal n’a autant qu’aujourd’hui passionné les esprits curieux de l’histoire religieuse et de la vie morale du XVIIe siècle ; mais pour Augustin Gazier, il ne s’agissait ni de philosophie, ni de littérature ; il était de Port-Royal dans ses maximes, dans sa vie, jusque dans ses manières. Il était un de ceux que les Nécrologes appelaient les « amis de la vérité et des gens de bien. » Les « messieurs » eussent reconnu en lui un des leurs. Ceux qui l’ont approché ont eu le privilège de se trouver en face d’un contemporain de Lancelot et de Nicole. Dans la gravité naturelle de cet homme d’autrefois il n’entrait ni tristesse, ni froideur, mais un égal respect de soi-même et d’autrui ; aucune trace de cette banale familiarité qui a fini par avilir tous nos propos, corrompre toutes nos amitiés. Cette réserve ne cachait qu’à demi la plus agissante bonté.

C’était un bourgeois de Paris laborieux et de piété sévère. Sa profession était d’enseigner la littérature française aux étudiants de la Sorbonne ; il s’en acquittait en homme de goût et de savoir. Il avait quelques amis et une admirable famille. Il était le plus régulier des paroissiens de Saint-Jacques du Haut-Pas, et l’on dirait qu’il a tracé son propre portrait en peignant les fervents port-royalistes de Saint-Séverin au lendemain du