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Ce n’est assurément pas le concours dévoué, donné au ministère du 29 octobre, par la majorité conservatrice, qui a occasionné la chute de Louis-Philippe. Ce n’est pas non plus l’opposition systématique, faite à ce ministère par la minorité dynastique, qui a déterminé seule ce grave événement. Sans doute, cette opposition y a contribué, mais il y eut des causes de dissolution bien plus anciennes, bien plus puissantes, qui agissaient sans cesse et que la majorité comprenait, mais dont la minorité dynastique ne sentait pas le danger.

II n’y avait jamais eu un gouvernement qui eût respecté davantage la liberté et les institutions que ne le fit le Gouvernement de Juillet ; sous aucun autre, il n’y avait eu prospérité agricole ou industrielle aussi grande, et pourtant ce Gouvernement, auquel s’était ralliée la grande majorité des Français, fut l’objet de calomnies sans cesse grandissantes, contre lesquelles il ne songea guère à se défendre, et que la moindre énergie eût suffi à réprimer.

Mais pourquoi donc ces attaques si violentes ? Parce que le Gouvernement avait des adversaires nombreux et puissants, qui les uns en voulaient à ses principes, les autres surtout à sa forme ; enfin, parce que, dans l’ardeur de la lutte, tous ont fait appel aux passions les plus viles, et que l’esprit public, si léger, si mobile, si instable, a fini par répondre à leurs appels.

Les adversaires du Gouvernement de Juillet furent d’une part les légitimistes, d’autre part les républicains, les uns et les autres plus ou moins ardents, plus ou moins actifs, mais sachant, malgré des dissemblances de vues et d’origine, s’allier parfois pour atteindre le même but.

Parmi les légitimistes, les uns aspiraient encore au retour de l’absolutisme, d’autres, tout en admettant le régime constitutionnel, ne pardonnaient pas à Louis-Philippe d’avoir pris la place du duc de Bordeaux ; d’autres enfin, plus modérés ou plus logiques, pensaient qu’une monarchie constitutionnelle ne pouvait être stable qu’à la condition d’être associée au principe de la légitimité. Le Gouvernement de Juillet tenta de se les rallier, et il y échoua, parce que le loyalisme et le devoir furent, pour la plupart des légitimistes, les premiers mobiles de toute action. C’était particulièrement dans les campagnes qu’ils jouissaient d’une influence. La considération qui s’attachait à leur situation terrienne, et la reconnaissance résultait des services que cette