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bras de M. Havin<[1] et avait également à ses côtés M. Saglio [2]. Au lieu d’entrer dans le salon du Roi, la princesse se dirigea vers la salle de distribution et s’y assit sur le canapé, placé à gauche du bureau. Très émue et nous tenant la main successivement à plusieurs, elle nous remercia de notre empressement. Voyant le jeune comte de Paris assez étonné, je lui pris respectueusement la main et l’engageai à ne rien craindre.

« Quelques moments après, la princesse entra dans la salle des séances où elle fut reçue aux cris de « Vive la Duchesse d’Orléans ; vive le comte de Paris ! » Elle s’assit sur l’un des fauteuils de la salle des Conférences et ses enfants se placèrent à sa droite et à sa gauche sur des chaises. Derrière la princesse et autour d’elle étaient le Duc de Nemours, une dame d’honneur, le précepteur des jeunes princes, le duc d’Elchingen, plusieurs gardes nationaux et quelques autres personnes entrées à la suite de la princesse. Je vois encore la Duchesse d’Orléans étendant les mains sur les genoux de ses enfants et les caressant ainsi pour les rassurer.

« Lorsque le silence fut rétabli, M. Dupin monta à la tribune pour annoncer l’abdication du Roi en faveur du Comte de Paris, et la régence de la Duchesse d’Orléans. Sauf sur quelques bancs de l’extrême-gauche et sur ceux des légitimistes, des applaudissements unanimes accueillirent ses paroles. »


Cette manifestation de loyalisme devait malheureusement rester sans effet. La populace, déjà maîtresse des Tuileries, pénétrait bientôt au Palais-Bourbon, sans que les troupes massées sur les quais eussent tenté de s’y opposer.

M. Hébert trouva plus tard l’occasion de demander au Duc de Nemours comment il se faisait que, placé alors à la tête des troupes, il n’avait opposé aucune résistance aux insurgés. Le prince lui répondit que, aussitôt après le départ du Roi, il se disposait à marcher contre eux de sa personne, lorsque la Duchesse d’Orléans, l’ayant fait avertir de son projet d’aller à la Chambre et de son désir d’y être accompagnée par lui, il avait dû, pour remplir ce devoir, renoncer à sa résolution. Le Duc de Nemours ajouta que néanmoins, en passant sur la place de la Concorde, où le général Bedeau se trouvait avec des forces

  1. M. Havin, député de la Manche.
  2. M. SagIio, député du Bas Rhin.