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JOURNÉE DU JEUDI 24 FÉVRIER

Le lendemain 24 février, à huit heures du matin, M. Hébert passa chez M. Dumon. Tous deux se rendirent ensemble aux Tuileries pour y faire signer par le Roi diverses ordonnances dont le projet avait été antérieurement arrêté. Ils trouvèrent Louis-Philippe en caleçon avec une redingote à la propriétaire, sans cravate et fatigué comme un homme qui a passé la nuit sans dormir. Après avoir signé les ordonnances, le Roi leur dit :

— Ils sont là dans le cabinet à côté.

— Qui donc, Sire, demanda l’un d’eux ?

— Mes nouveaux ministres.

— Quels sont-ils donc ?

— M. Thiers et M. Barrot. Ah ! Ils se sont énergiquement prononcés, et sont bien déterminés à en finir avec l’émeute..., avec ces coquins. Mais ils m’imposent des conditions bien dures : la dissolution de la Chambre et la réforme.

— Bah ! dit M. Hébert, c’est la conséquence toute naturelle de ce qui se passe. Votre Majesté ne doit pas être surprise qu’ils vous l’aient demandée.

— Au reste, ajouta le Roi, je suis déterminé à en passer par tout ce qu’ils voudront [1].

Plus tard, M. Dumon Confia à mon père que, au spectacle « de cette résignation ou plutôt de cet affaissement » chez un prince qu’il avait vu jusqu’alors si énergique et si exalté contre ces diverses mesures, il craignit que Louis-Philippe ne s’en tint pas là et qu’il ne se laissât mener beaucoup plus loin.

En sortant de chez le Roi, M. Hébert et M. Dumon rencontrèrent dans l’escalier le Duc de Nemours et le Duc de Montpensier qui venaient de passer une revue. Leur physionomie triste et préoccupée laissait comprendre qu’ils n’avaient pas été bien accueillis. Rentrant à la Chancellerie, M. Hébert n’y trouva ni garçons de bureaux, ni huissiers, ni employés. Avec ses deux secrétaires, il transporta dans un entresol les papiers de son cabinet pour les mettre ainsi à l’abri en cas d’invasion du ministère et pouvoir plus tard en faire le triage. Comme, après l’attaque de la veille, cette invasion risquait d’avoir lieu, M. Hébert retourna, vers dix heures, rue des Champs-Elysées.

  1. Récit de M. Hébert.