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M. Molé. Usant alors, comme je devais le faire, de cette autorisation, que vous m’avez donnée, j’ai promis à la Chambre que le cabinet remplirait son devoir jusqu’à la formation du nouveau ministère. »

Quand M. Guizot eut terminé cet exposé, le Roi voulut établir qu’il y avait eu malentendu entre lui et son ministre, alléguant que son intention n’avait jamais été de se séparer d’un cabinet dont les sentiments étaient conformes aux siens et dont le concours lui avait été si utile pour faire triompher sa politique aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur ; puis il ajouta : « J’ai vu M. Molé. Je ne sais s’il parviendra à former son ministère, mais, en attendant qu’il l’ait formé, vous êtes toujours mon conseil et nous pouvons discuter sur les mesures à prendre. »

Pendant la durée de la conférence qui se tint aussitôt, tous ceux des membres de la famille royale qui y assistèrent se montrèrent gracieux pour les ministres.

La Reine, très affectée, paraissait surtout préoccupée de la situation du Roi. Appuyée sur l’épaule de Louis-Philippe, Marie-Amélie laissa échapper le mot d’abdication pour le cas cm cette mesure deviendrait nécessaire à assurer la tranquillité de son époux. Relevant ce mot d’abdication, M. Hébert en repoussa l’idée, insistant sur les dangers qu’en présenterait la réalisation. Puis il fut décidé que le commandement supérieur de la garde nationale et des troupes serait confié au maréchal Bugeaud. Sur l’invitation qui lui en fut faite, le maréchal dîna aux Tuileries, mais le Roi ne lui parla de rien [1].


« Ce même jour, relate mon père, nous avions à dîner :

  1. Récit de M. Hebert.
    Le Roi reconnaissait la nécessité de confier le commandement au maréchal Bugeaud, mais ne savait encore quel cabinet il parviendrait à former. Après minuit, il envoya chercher M. Guizot et l’informa que, M. Molé n’ayant pu réussir à en former un, il avait fait appeler M. Thiers. « Je vous demande la nomination immédiate du maréchal Bugeaud au commandement de la garde nationale et de l’armée, dit Louis Philippe à M. Guizot. M. Thiers ne voudrait peut être pas le nommer lui-même, mais il l’acceptera, je n’en doute pas, s’il le trouve nommé et installé. C’est au nom du salut de la monarchie que je fais appel au dévouement de mes anciens ministres. » M. Guizot consentit à ce que demandait le Roi qui envoya chercher M. Duchâtel et le général Trézel, dont la signature était nécessaire. (Guizot : Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, t. VIII, p. 592 et 593.)