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Chambre, car, suivant eux, la dissolution devait entraîner la perte de la monarchie.

« Avant de quitter avec mon père le Palais-Bourbon, je rencontrai à la buvette M. de Grammont [1] et M. Lherbette [2] :

— Ah ! çà, leur dis-je, j’espère que vous ne crierez plus maintenant !

— Ni vous non plus, riposta M. de Grammont.

— Oh ! répliquai-je, je n’ai jamais crié, moi.

— C’est vrai, ajouta Lherbette, je ne vous ai jamais vu crier : vous êtes un des membres les plus calmes de la majorité.


A l’issue de la séance, il fut convenu entre les ministres qu’ils iraient tout d’abord se recueillir et se concerter au ministère de l’Intérieur, où les attendaient le duc Pasquier, le duc de Broglie et le duc Decazes. Ils purent ainsi conférer avec ces trois illustres pairs avant de se rendre aux Tuileries pour y déposer leurs portefeuilles entre les mains du Roi.

Accompagné de la Reine, du Duc de Nemours et du Duc de Montpensier, Louis-Philippe accueillit ses ministres avec obligeance, avec empressement, et leur exprima le regret qu’il éprouvait à se séparer d’eux. Un incident venait en effet de modifier singulièrement les idées du souverain.

En constatant l’indignation causée dans la majorité par la retraite du cabinet et redoutant pour le Roi le fâcheux effet que pouvait produire l’affirmation donnée à tous par M. Guizot, à savoir que le ministère ne se retirait point spontanément, mais que Louis-Philippe jugeait au contraire convenable de chercher à en former un nouveau, M. de Berthois [3] et M. d’Houdetot [4] s’étaient rendus en hâte aux Tuileries pour y faire part de leurs impressions. Le Roi en fut frappé et alla cette fois jusqu’à demander à chaque ministre quelle était son opinion personnelle sur l’opportunité d’un changement de ministère. Tous lui répondirent que ce changement, qui aurait pu avoir lieu sans inconvénient huit jours plus tôt, eût dû, en raison des événements qui s’étaient produits depuis lors, être ajourné

  1. Le marquis de Grammont, député de la Haute-Saône.
  2. M. Lherbette, député de l’Aisne.
  3. Le baron de Berthois, député d’IIIe-et-Vilaine.
  4. Le général comte d’Houdetot, député du Calvados, aide de camp du Roi.