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relative à la mise en accusation des ministres ; mais la gauche, par l’organe de M. Dupin et de M. Sauzet, demanda que cet ordre du jour fût modifié à raison de la nouvelle qui venait d’être apportée, à raison aussi du danger qu’il semblait y avoir à discuter en de telles circonstances une question aussi irritante. M. de Peyramont [1], se levant alors, dit avec vivacité à M. Dupin : « Pourquoi n’avez-vous pas donné hier cette dernière raison ? »

« Cependant M. Guizot insista fièrement pour que l’ordre du jour fût maintenu et les membres de la majorité, sauf quelques-uns parmi lesquels je remarquai M. Charles Laffitte [2], se levèrent en faveur du maintien. J’en fis de même et à grand regret, mais un sentiment d’honneur me détermina : je ne voulais pas abandonner le ministère dans le dernier vote qu’il demandait à ses amis. C’est aussi ce même sentiment d’honneur qui m’avait déterminé dans mes deux votes sur la réforme et les banquets. Depuis un certain temps je désirais ardemment la retraite du ministère, non que je le crusse coupable assurément puisque je l’appuyais ; mais parce que les préventions contre lui devenaient telles que son maintien ne pouvait qu’augmenter chaque jour les difficultés. J’avais donc désiré non sa chute, mais sa retraite volontaire que, malheureusement, les événements ne rendaient plus possible. J’aurais voulu que, comprenant sa position, il se fût retiré de lui-même, mais non qu’on le renversât. Je ne trouvais pas qu’il eût été digne, pour la majorité, de renverser des hommes, qu’elle avait longtemps soutenus et qui n’avaient pas démérité de sa confiance. Si, parfois, ces hommes avaient commis des actes répréhensibles, ne pouvait-on point en reprocher de pareils à leurs prédécesseurs, dont certains attaquaient pourtant le ministère avec une grande violence ? J’aurais donc souhaité que par leurs conseils, par leurs représentations, les amis des ministres pesassent sur eux et les déterminassent à se retirer.

« Ce résultat d’ailleurs avait paru un instant près d’être atteint. Le 19 février, en effet, mon père était allé voir M. Dumon qui lui avait communiqué le projet arrêté par les ministres de se retirer aussitôt après le banquet, s’il pouvait se former un cabinet qui prit l’engagement de ne pas dissoudre la

  1. M. de Peyramont, député de la Haute-Vienne.
  2. M. Charles Laffitte, députe de l’Eure.