Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/420

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Paris, répondit M. Vavin. — Mais il me semble, objecta M. Hébert, que ce n’est pas le moyen de l’améliorer. En tout cas, attendez l’arrivée de M. Guizot, qui ne tardera pas à revenir, conseilla le garde des Sceaux. »

M. Vavin, alléguant qu’il y était incité par plusieurs de ses collègues, monta quand même à la tribune et demanda pour quel motif la garde nationale n’avait pas été plus tôt convoquée. Sur les observations de M. Hébert, la Chambre décida qu’elle n’entendrait M. Vavin qu’après le retour de M. Guizot et de M. Duchâtel.


Mon père se trouvait encore sur le grand escalier extérieur, quand un huissier y vint annoncer que le président du Conseil et le ministre de l’Intérieur étaient au Palais-Bourbon. Mon père regagna aussitôt, par le petit jardin, la salle des séances.

« En passant devant le banc des ministres, écrit-il, je serrai la main au ministre des Finances, M. Dumon [1], et lui demandai comment il allait.

— J’irai beaucoup mieux tout à l’heure, me répondit-il.

— C’est donc fini de vous ? lui dis-je.

— Non pas tout à fait encore, vous allez voir.

« En effet, M. Vavin ayant repris la parole et demandé de nouveau pour quel motif, dans des circonstances aussi graves, le Gouvernement n’avait pas cru devoir réclamer le concours de la garde nationale, M. Guizot, montant à son tour à la tribune, répliqua que toute explication à ce sujet devenait inopportune, le Roi venant de faire appeler M. le comte Molé pour le charger de former un nouveau cabinet.

« A ces mots, des applaudissements éclatèrent sur les bancs de la gauche et furent aussitôt répétés par nombre de députés disséminés dans la salle.

« Parmi les députés de la majorité, de tout autres sentiments se manifestèrent : chez les uns, ce fut expression de regret, chez les autres, expression de mépris contre des hommes qui semblaient abandonner le pouvoir au moment du péril : « Quelle lâcheté ! » me dit mon voisin, le duc d’Elchingen [2]. Personnellement, j’étais loin de regretter le ministère, mais la

  1. M. Dumon, député de Lot-et-Garonne.
  2. Le duc d’Elchingen, député du Pas-de Calais.