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partie d’une étude qui est un chef-d’œuvre : Le droit de propriété chez les Grecs. Citons, du moins, ces quelques lignes : « D’après Aristote, à Sparte, les deux cinquièmes des terres étaient entre les mains des femmes. Comment comprendre cela ? Dans l’ancien droit, les femmes ne pouvaient pas hériter ; elles ne pouvaient pas non plus acheter, puisque la terre ne se vendait pas. Mais l’ancienne loi ne leur défendait ni de recevoir des dots en valeur mobilières, ni de posséder de l’argent… II est vraisemblable que le commerce d’argent, qui était interdit au citoyen, dut être, pour la plus grande partie, entre les mains des femmes. À cela se rattache la grande liberté dont les femmes jouissaient. Rien ne les empêchait de s’enrichir. Aussi en vinrent-elles à posséder « la plus grande partie des richesses de Lacédémone. » Aristote et Plutarque ont remarqué que les femmes de Sparte avaient un grand pouvoir sur leurs maris ; c’est peut-être que ceux-ci, à qui la loi interdisait toute occupation lucrative, ne pouvaient s’enrichir que par leurs femmes. Aristote ajoute que les femmes avaient une grande influence dans le Gouvernement. C’est qu’elles étaient la classe riche et, qu’en tout pays, le Gouvernement doit compter avec ceux qui possèdent les capitaux… »

Effets imprévus d’une sorte de communisme militaire, bâtardé de féminisme ! Tout déséquilibre social contamine à l’infini les générations futures, par des suites que la raison humaine, trompée par la passion ou par l’intérêt, ne peut prévoir.

Si ces brèves analyses ne suffisent pas pour démontrer à quel point l’historien moderne peut devenir un maître incomparable de la politique, du moins reconnaitra-t-on, qu’exposée par un Fustel de Coulanges, l’histoire remplit toute sa mission : elle tire en lumière, elle avertit, elle démontre. Sa vision du passé est comme une expérience qui, de la connaissance des lois naturelles, déduit l’avenir et autorise la prophétie : l’histoire, même si elle n’est pas entendue, serait, du moins, la Cassandre de l’humanité.


Les révolutions sociales sont l’œuvre des sentiments, des passions, des intérêts. Un Empire tombe parce qu’une erreur a été commise dans les lois ou dans les mœurs ; et les mêmes pentes naturelles conduisent toujours aux mêmes abimes. La génération qui laisse se produire une légère déviation dans