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Confiant dans l’assurance donnée par M. Duchâtel que des arrestations allaient être opérées, le garde des Sceaux s’était rendu vers midi à la Chancellerie pour y attendre l’avis de ces arrestations et prendre toutes les dispositions relatives aux interrogatoires et à l’instruction. A deux heures, étant encore sans nouvelles et espérant en avoir à la Chambre, M. Hébert s’y rendit et y trouva M. Guizot écoutant fort tranquillement un discours de M. Léon Faucher [1], sur la banque de Bordeaux. Mais, presque aussitôt, un huissier vint avertir le garde des Sceaux, que le ministre de l’Intérieur l’attendait dans une des salles voisines.

— Eh bien ! s’écria M. Duchâtel, le Roi se démanche.

— Qu’entendez-vous par là, objecta M. Hébert ?

— Le langage qu’il vient de me tenir me donne lieu de le croire. La Reine, ainsi que le Duc de Nemours et le Duc de Montpensier, étaient avec lui. La Reine, qui, jusqu’à ce jour, nous a soutenus si énergiquement, paraît tout à fait changée à notre égard. Le Duc de Nemours, dont les dispositions pour nous étaient les mêmes, n’a pas soufflé mot, et quant au Duc de Montpensier, il semble que, pour lui, la belle heure de notre départ ne soit pas assez tôt arrivée. Il faut en avertir M. Guizot, ajouta M. Duchâtel, allez-y, car je ne veux pas entrer dans la Chambre. Si j’y paraissais, je serais immédiatement assailli de questions.

M. Hébert fut, en effet, prévenir M. Guizot qui parut fort surpris de la nouvelle apportée par M. Duchâtel et n’hésita pas à se rendre tout de suite chez le Roi. M. Guizot engagea M. Hébert à rester à la Chambre pour répondre aux interpellations qu’on annonçait devoir se produire, ajoutant que si lui seul était à même de répondre à ces interpellations, il priait son collègue de demander à la Chambre d’en ajourner la discussion jusqu’à son retour. En outre, il fut convenu que, pour ne point l’ébruiter, on tairait, même aux autres ministres, la nouvelle apportée par M. Duchâtel.

Dès que M. Hébert reparut à la séance, M. Vavin, comme nous l’avons relaté plus haut, vint prévenir le garde des Sceaux que son intention était d’adresser au ministère deux interpellations. « Sur quoi, lui dit M. Hébert ? — Sur la situation de

  1. M. Léon Faucher, député de la Marne.