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du Conseil et le ministre de l’Intérieur, les informa des mauvaises dispositions qu’il constatait dans la garde nationale de son quartier. Cette communication préoccupa beaucoup M. Guizot et M. Duchâtel, qui se retirèrent dans le cabinet de ce dernier, où ils s’enfermèrent avec M. Hébert, laissant leurs collègues dans le salon.

Au cours de ce conciliabule, il fut question, entre les trois ministres, d’arrestations à opérer. D’après le récit qu’en fit M. Hébert à mon père, le nom d’une personne, que le garde des Sceaux ne lui désigna point, fut particulièrement discuté. M. Duchâtel s’opposa à son arrestation, faisant observer que M. Delessert [1] la lui avait signalée comme étant parfaitement sûre. D’après un renseignement fourni plus tard à mon grand père par M. Cunin-Gridaine [2], cette personne que, tout comme M. Hébert, M. Cunin ne nomma point, était susceptible de dévoiler le plan des émeutiers et capable, au besoin, d’arrêter l’insurrection. Ce nom fut donc excepté et M. Duchâtel donna à ses collègues l’assurance que les divers mandats d’amener allaient être aussitôt établis. C’était en effet au ministre de l’Intérieur, chargé de la police, qu’incombait le soin d’exécuter cette décision. Elle ne le fut point.


En cette même matinée, mon père sortit à onze heures pour se rendre à la commission du budget. Une certaine agitation se manifestait dans la rue, mais sans qu’on y remarquât des groupes. En arrivant au Palais-Bourbon, il vit passer un régiment d’artillerie, qui, par le quai d’Orsay, se dirigeait vers les halles.

« A la commission nous eûmes séance, relate mon père, quand, vers deux heures, l’un de nous crut entendre le canon et ouvrit les fenêtres. Nous perçûmes plusieurs coups fort distincts ; mais comme Quelques membres de la commission persistaient à ne point admettre que ce fut effectivement le canon, le colonel Cerfberr [3] et le colonel d’Oraison [4] déclarèrent qu’il ne pouvait y avoir le moindre doute à cet égard. L’émotion

  1. M. Gabriel Delessert, pair de France et préfet de Police.
  2. M. Cunin-Gridaine, député des Ardennes ministre du Commerce.
  3. Le colonel Cerfberr, député du Bas-Rhin.
  4. Le colonel comte d’Oraison, député des Basses-Alpes.