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Ailleurs, ce fut la guerre pour la rapine des richesses, c’est-à-dire la plus atroce des guerres civiles : « Les pauvres en vinrent alors, dans beaucoup de villes, à user de leur droit de suffrage pour décréter soit une abolition des dettes, soit une confiscation en masse et un bouleversement général. » « Les pauvres veulent s’emparer de la richesse, les riches veulent la conserver ou la reprendre... Dans chaque cité, le riche et le pauvre étaient deux ennemis qui vivaient à côté l’un de l’autre, l’un convoitant la richesse, l’autre voyant la richesse convoitée... Il n’est pas possible de dire lequel des deux partis commit le plus de cruautés et de crimes : les haines effaçaient dans le cœur tout sentiment d’humanité. » Et enfin, l’issue inévitable, la tyrannie : « Quand la classe pauvre, après plusieurs guerres civiles, reconnut que ses victoires ne servaient de rien, que le parti contraire revenait toujours au pouvoir, et qu’après de longues alternatives de confiscations et de restitutions, la lutte était toujours à recommencer, elle imagina d’établir un régime monarchique qui fût conforme à ses intérêts et qui, en comprimant le parti contraire, lui assurât pour l’avenir les bénéfices de sa victoire. C’est pour cela qu’elle créa des tyrans. « Le tyran, dit Aristote, n’a pour mission que de protéger le peuple contre les riches ; il a toujours commencé par être un démagogue ; » les Grecs purent reconnaître combien le Gouvernement républicain, lorsqu’il ne professe pas un grand respect pour les droits individuels, se change facilement en despotisme. »

L’entraînement des passions collectives, l’erreur des partis, l’altération des mœurs et des lois, tel est le grand drame de la propriété et de la richesse, dans l’antiquité, et c’est de ce drame que l’historien tire une leçon qui, si lointaine, est d’une pleine actualité. La tyrannie d’une part, l’asservissement de l’autre, tel est le double danger qui menace les sociétés égarées : car tout se paye.

Est-il rien de plus imprévu et de plus étrange que les suites de l’erreur commise par la seule tentative d’une sorte de communisme qu’ait connue l’antiquité, celle qui résulta, à Sparte, de l’application des lois de Lycurgue ? Le système aboutit, en somme, à l’accaparement de toute la fortune par les femmes, et l’autorité des femmes dans la République aboutit elle-même à l’invasion étrangère. Cet étrange aperçu sur les conséquences d’un système trop logique et né de la volonté d’un seul, fait