Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/406

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tesse, qualités charmantes, bien françaises. Ce ne sont pas des vertus essentielles. Pourtant je me résignerais difficilement à les voir disparaître.


VII


Des connaissances étendues et des mœurs douces constituent la civilisation.

Il faut y ajouter les heureuses traditions.

Elles n’ont rien à faire avec la civilisation proprement dite, c’est-à-dire l’envers de la barbarie ; car les sauvages eux-mêmes ont des traditions. Il y a des traditions chez les civilisés et des traditions chez les sauvages.

Par conséquent, comme toutes les choses humaines, les traditions sont tantôt bonnes, tantôt mauvaises. Leur ensemble donne son caractère à chaque civilisation nationale.

Certaines vieilles coutumes ont un charme esthétique et familial qu’il serait absurde de combattre, d’autant plus absurde que souvent elles ont une secrète raison d’être, qui n’apparaît pas tout de suite.

Les fêtes du Jour de l’an et du Carnaval ne m’inspirent qu’une sympathie très mitigée. Mais néanmoins je comprends que, pour des artisans qui ont longuement et durement peiné, quelques jours de délassement soient nécessaires. Les robes et les toques dont s’affublent les professeurs de nos Universités ont des tons un peu criards et des formes singulières. Mais ces souvenirs du Moyen âge, qui relient le présent au passé, ne sont pas sans quelque agrément. Tout le cérémonial des tribunaux, des Universités, des assemblées politiques, des enterrements, des mariages, des anniversaires, est d’une pompe conventionnelle qui ne m’attendrit nullement. Mais quoi ? une société où tout serait rationnel, et perpétuellement rationnel, serait terne et ennuyeuse par sa monotonie et son uniformité. Ces traditions inoffensives font partie de notre civilisation, et ce serait grand dommage si on voulait les abolir, sous prétexte qu’on n’a pour les justifier d’autres motifs que leur ancienneté même.

À côté de ces traditions dignes de quelque respect, il en est d’autres qui n’en méritent guère. Elles sont pittoresques peut-être, mais parfois déshonorantes et barbares, comme les courses de taureaux en Espagne. Les combats de coqs,