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Turin, 17 avril 1861.

Monseigneur,

Le comte Vimercati m’a remis avant-hier la lettre que Votre Altesse Impériale m’a fait l’honneur de m’écrire le 13 de ce mois. J’avoue qu’au premier moment, j’ai été effrayé des difficultés et des dangers que présente l’exécution du plan que l’Empereur serait disposé à adopter pour arriver à une solution provisoire de la question romaine. Les engagements qu’il nous faudra contracter d’une part, l’état de Rome lorsque les troupes françaises se seront retirées de l’autre, nous créeront des embarras énormes vis à vis du Parlement, du pays, des Romains, et surtout de Garibaldi qui, comme un ours sorti de sa tanière, est à la recherche d’une proie à dévorer. Toutefois, comme lorsqu’il n’y a que deux voies à suivre, il faut savoir choisir la moins périlleuse, quels que soient les précipices dont elle est semée, je n’ai pas tardé à me convaincre que nous devions accepter les propositions contenues dans la lettre de Votre Altesse Impériale. L’alliance française étant la base de notre politique, il y a peu de sacrifices que je ne sois disposé à faire pour qu’elle ne soit pas mise en question.

Le Roi, à qui j’ai communiqué immédiatement la lettre de Votre Altesse, a partagé cet avis. Cependant, avant de remettre au comte Vimercati une réponse définitive, j’ai cru nécessaire de m’assurer que, dans le Conseil des Ministres et au sein du Parlement, le projet en question ne rencontrerait pas d’obstacles invincibles.

Pour avoir cette certitude, le concours de deux hommes, de Minghetti et de Ricasoli, est indispensable. Après quelques hésitations, et non sans une répugnance assez marquée, ils se sont engagés à me le donner. Maintenant, je suis sûr de mon fait, du moins du point de vue parlementaire.

Je n’ai aucune observation essentielle aux bases du traité posées par Votre Altesse ; ainsi, il demeurerait entendu :

1° Que le traité serait conclu directement entre la France et l’Italie, sans l’intervention de la Cour de Rome.

2° Que la France ayant mis le Pape à l’abri de toute attaque étrangère, ses soldats évacueraient Rome dans un délai déterminé qu’il serait bon de limiter, autant que possible, à quinze jours ou un mois par exemple.