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sacrée, c’est l’enclos assez étendu dans lequel la famille a sa maison, ses troupeaux, le petit champ qu’elle cultive ; au milieu, s’élève le foyer protecteur... Descendons aux âges suivants ; la population est arrivée en Grèce et en Italie et elle a bâti des villes ; les demeures se sont rapprochées ; elles ne sont pas contiguës. Dans tous les cas, deux maisons ne doivent pas se toucher... Il est résulté, de ces vieilles règles religieuses, que la vie en communauté n’a jamais pu s’établir chez les anciens. Le phalanstère n’y a jamais été connu... »

Voici le fait et voici, maintenant, la raison profonde, la raison d’âme : « La tente convient à l’Arabe, le chariot au Tartare ; mais à une famille qui a un foyer domestique, il faut une demeure qui dure. A la cabane de terre ou de bois a bientôt succédé la maison de pierre... Sans discussion, sans travail, sans l’ombre d’une hésitation, l’homme arriva d’un seul coup à la conception du droit de propriété, de ce droit d’où sort toute civilisation, puisque par lui l’homme améliore la terre et devient lui-même meilleur... L’usage des Termes ou bornes sacrées des champs paraît avoir été universel dans la race indoeuropéenne. » Et le sentiment le plus touchant, celui de la paix et de l’amour entre les hommes, intervient, et lie le tout : « Platon ne fait que compléter la pensée du législateur quand il dit : « Notre première loi doit être celle-ci : Que personne ne touche à la borne qui sépare son champ de celui du voisin, car elle doit rester immobile. Que nul ne s’avise d’ébranler la petite pierre qui sépare l’amitié de l’inimitié. »

Ce chercheur d’origines est-il le négateur de l’évolution, des transformations ? Non. Il dit ce qu’il a à dire, il constate ce qu’il a à constater, explique ce qu’il a à expliquer. Mais, il ne se raidit contre aucun fait, contre aucune évolution ; au contraire, il les accepte tous, les expose et tâche à les expliquer encore. Son esprit, souple comme la vie, s’adapte aux changements, non moins qu’aux origines. C’est à peine s’il observe, conformément à ce qui se passe dans la vie même, que les changements se produiront selon les lignes tracées au début ; car tout est dans le germe. Si, cependant, l’on prétend trouver, au point de départ, un contrat social quelconque, un pacte qui, ayant été passé entre les premiers hommes, lierait encore ceux qui ne l’ont pas signé, il déclare qu’il n’a rien vu de tel, et il passe : « On suppose que les sociétés humaines ont pu commencer par