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faisons pas illusion sur la gravité du danger qui nous menace, mais l’envisageant avec calme, nous sommes décidés à lutter en désespérés.

Ce qui nous embarrasse excessivement, c’est l’incertitude du point d’attaque. Si, ainsi que Votre Altesse le pense, les Autrichiens, par respect pour la France, n’entrent pas en Lombardie et concentrent toutes leurs forces sur les duchés de Modène et de Parme, nous pourrons, appuyés aux deux places de Bologne et de Plaisance, les arrêter et les rejeter dans le Pô. Tel est l’avis du général La Marmora.

Il n’en est pas de même si nous étions attaqués sur la rive gauche du Pô. N’ayant aucun point d’appui solide en Lombardie, ne trouvant aucune ligne facilement défendable du Mincio à l’Adda pour ne pas dire au Tessin, notre position serait assez critique. Ce serait par conséquent un bien grand service que l’Empereur nous rendrait, s’il forçait par son attitude l’Autriche à respecter le traité de Zurich. Dans cette hypothèse, je le répète, je pense que nous pourrions nous tirer d’affaire, ou du moins, que si nous avions besoin de secours, ce ne serait qu’après avoir prouvé à l’Europe que nous savons faire les plus grands efforts pour conserver la liberté et l’indépendance que nous devons à la France.

Tandis que l’Autriche nous menace au Nord, le Pape, au centre, ne se montre nullement résigné. Son ministre de la Guerre cherche à remettre ensemble une nouvelle armée ; on fait des enrôlements à Marseille, et l’on cherche à attirer, par des primes, les prisonniers que nous avons mis en liberté. Cela nous a forcés à retenir, à notre grand regret, ceux qui étaient encore entre nos mains. Le Gouvernement romain continue à payer ses anciens employés dans les provinces qu’il a perdues, en les engageant à ne pas bouger des villes où ils se trouvaient. Évidemment, l’espérance et l’argent ne lui manquent pas : d’où lui viennent-ils, c’est ce que j’ignore.

Son irritation doit être toujours extrême. Non seulement il n’a pas voulu se prêter à concourir au rétablissement des communications télégraphiques, mais il a fait abattre les poteaux que Pepoli avait fait planter pour relier la ligne de l’Ombrie avec Civita Castellana, ville occupée par les troupes françaises.

Pour que Votre Altesse puisse juger des procédés des autorités papales, je prends la liberté de lui transmettre les deux