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Dans les régions officielles de Paris, on m’a accusé d’avoir, en présentant le projet de loi sur les annexions, trop bien parlé de la France pour faire croire qu’il n’existait pas entre elle et nous de dissentiments sérieux. Cela m’a forcé à faire taire mes sentiments dans mon dernier discours. J’espère que ce silence qu’une juste déférence m’a imposé, ne sera pas mal interprété, au moins par Votre Altesse qui, je m’en flatte, ne doutera jamais de ma profonde reconnaissance pour l’Empereur, et de mon respectueux attachement pour elle.


Turin, 8 novembre 1860,

Monseigneur,

Le Roi a suivi en partie déjà le conseil que Votre Altesse lui a donné. Il a télégraphié à l’Empereur pour le prier de donner l’ordre à l’amiral de Tinan de ne pas s’opposer par la force au passage du Garigliano.

L’Empereur a adhéré à cette demande, et notre armée, aidée par la flotte, a pu exécuter une série de brillantes manœuvres qui, dans l’espace de trois jours, ont fait disparaître l’armée napolitaine, sauf quelques milliers d’hommes réfugiés à Gaëte.

Maintenant le Roi, à peine installé à Naples, enverra une lettre à l’Empereur, par le comte Vimercati. Il a préféré cet officier d’ordonnance à Robilant qui ne l’est plus, parce que sa présence à Paris, où sa femme se trouve depuis quelque temps n’excitera l’attention de personne.

J’espère que l’Empereur ne s’opposera plus à ce que l’on attaque, ou, pour le moins, à ce qu’on menace Gaëte par mer. L’humanité réclame une prompte solution au drame napolitain. La chute de Gaëte est certaine. En prolongeant le siège, on sacrifie inutilement des hommes et de l’argent, en rendant moins bonne, en définitive, la position du Roi lui-même.

Quelle que soit l’importance que j’attache à la chute de Gaëte, j’en mets bien davantage au rétablissement de nos relations diplomatiques avec la France. Une fois l’annexion des Deux-Siciles achevée, et reconnue par l’Angleterre, quel motif, quel intérêt la France peut-elle avoir pour demeurer vis à vis de l’Italie dans un état de semi-hostilité ? Serait-ce par égard pour le Pape ? mais il me paraît que, pour la reconnaissance qu’on lui témoigne, l’Empereur n’a déjà que trop fait pour lui.