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cause italienne perd un de ses plus zélés et puissants défenseurs.

Dis à Clotilde que je prends bien part à ses peines, et que je l’embrasse tant et que je ne lui écris pas, parce que je t’écris à toi, et que j’ai tant à faire. — Cher beau-fils, ne m’oublie pas et ne nous oublie pas. Ce pays devient bien fort, son armée bien énergique et prête à tout, et moi, sans crainte et tête levée, je marche par une route assez difficile, mais qui, j’espère, sera glorieuse.

Adieu, je t’embrasse, toi et ma fille, de tout mon cœur. Sois l’interprète auprès de ta sœur [1], en cette occasion bien douloureuse, de mes sentiments.

Adieu.

Ton très affectionné beau-père

VICTOR-EMMANUEL.


Turin, 15 octobre 1860.

Monseigneur,

J’ai été bien heureux d’apprendre le retour de Votre Altesse à Paris ; lorsqu’elle est absente, notre principal appui nous manque, et notre politique va un peu de travers.

Il est possible que nous ayons commis des fautes d’exécution. Mais le plan que nous avons adopté et suivi, est celui que Votre Altesse nous a conseillé ; c’est le seul bon ; c’est le seul qui, en nous préservant des dangers du principe révolutionnaire, puisse amener une solution convenable de la question italienne. Lorsque l’Europe l’examinera sans passion, elle verra que nous avons agi autant dans l’intérêt de l’ordre, que dans l’intérêt de la liberté. En attendant ce moment, nous aurons bien des difficultés à vaincre.

L’attitude que la France a prise à Rome est fâcheuse. Elle excite le mécontentement des Italiens, et les méfiances des Anglais. Cependant, je reconnais que l’Empereur devait augmenter son armée de Rome, et occuper les positions stratégiques qui assurent la défense de cette ville. Mais pourquoi pousser jusqu’à Viterbe ? Les députés de cette ville qui auront l’honneur de présenter à Votre Altesse cette lettre, lui exposeront les tristes conséquences de l’occupation. Si c’est un fait sans remède, pour l’amour du ciel, qu’on ne le pousse pas plus loin. Le général de Goyon parle d’aller jusqu’à Orvieto qui est presque en

  1. Son Altesse Impériale la princesse Mathilde.