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Je suis bien heureux d’apprendre par toi, que le Roi, ton père, est mieux en santé ; sa maladie m’avait vivement affecté. Je n’oublierai jamais la tendre amitié qu’il me démontra lors de mon séjour à Paris. Je te remercie de ce que tu me dis par rapport aux journalistes ; j’espère qu’à cette heure la chose sera arrangée, mais s’il n’en est pas ainsi, écris-moi franchement ton projet, ou ta manière de parler ; tu vois les choses bien plus près que nous, et je te serai reconnaissant si tu veux bien m’aider en cela. Je te prie aussi de savoir me dire comment le Nord a écrit cet article si bête sur le comte de Cavour, et ma personne voilée. A propos du comte, je l’envoie, quoique je ne puisse savoir bien positivement la manière de penser de l’Empereur. Jamais de ma part, il n’y a eu de difficultés pour le charger de cette grave mission, quoique personnellement il aurait agi bien mal avec moi, avant Villafranca et après ; mais je désirais connaître le terrain sur lequel il devait travailler. Je sais à peu près quel sera le drame final du Congrès : le Comte sera coulé à fond à cause de ses antécédents, et à cause de ses haines présentes ; bien d’autres circonstances sont peu favorables pour nous, mais moi sans crainte, je marcherai toujours en avant, la tête haute sur la voie de l’honneur ; advienne que pourra, ce ne m’en fait rien. Si l’Empereur ne me refuse pas son amitié et son alliance, tant mieux ; s’il juge autrement, j’en suis bien peiné, mais cela ne me retiendra pas d’accomplir mon devoir. Je suis fâché que Désembrois ait agi ainsi. Avant tout, sois sûr que personne ne lui avait dicté cette conduite que je désapprouve, mais je comprends à peu près d’où cela vient. C’est un vieux magistrat assez sauvage de sa nature et habitué aux anciennes cérémonies de la Cour de Turin, où des bêtises de ce genre faisaient quasi des délits. Pardonne-lui, il ne le fera plus, il n’est pas grand parleur, mais il n’est pas bête.

Fais-moi le plaisir d’embrasser ma fille de ma part, et souhaite-lui de ma part de continuer à se régler comme elle fait et qu’elle fasse tous ses efforts pour contenter sa famille. Toi, très cher beau-fils, tâche de chasser de ta tête tes mauvaises idées, car tu te trompes complètement et si quelque personne souffle du mal, envoie-le au diable. Je te renouvelle tous mes souhaits, à toi et à Clotilde ; que Dieu vous bénisse.

Ton très affectionné beau-père.

VICTOR-EMMANUEL.