Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entier, avec la plénitude de son talent et avec la générosité de son âme ardente, à deux causes qui lui apparaissaient désormais comme inséparables l’une de l’autre. Quatorze ans plus tard, une Encyclique lui imposait le devoir de « placer désormais son action politique sur le terrain constitutionnel. » Il obéissait en catholique soumis à la direction du Pape, mais n’était-il pas, au fond, surtout depuis la mort du comte de Chambord, plus catholique que royaliste, et même en acceptant ou en subissant la République, ne lui restait-il pas la Révolution à combattre ? Il ne s’en fit pas faute. Tandis que pour d’autres, catholiques, et même royalistes, la Révolution était « une sorte de Janus à deux visages, » dont ils détestaient la sanglante physionomie, mais dont ils respectaient « le masque libéral, » elle restait pour lui un monstre aux traits uniformément horribles, qu’il fallait abattre. D’un mot, pour M. de Mun comme pour M. Clemenceau, la Révolution était un « bloc, » accepté par celui-ci, rejeté par celui-là, mais à prendre ou à laisser tout entier. Je doute qu’il se rencontre encore beaucoup d’esprits pour imposer ou pour subir un jugement aussi sommaire sur un événement aussi considérable et aussi complexe. La vérité historique n’est jamais tout entière d’un seul côté et Renan a dit une parole profonde lorsqu’il a écrit que « tous les siècles d’une nation sont les feuillets d’un même livre. » Les abus de l’Ancien Régime doivent-ils nous interdire de reconnaître les services rendus par la royauté à l’unité et à la grandeur de la France ? La Révolution, de même, n’est ni tout bien ni tout mal. Elle est un événement humain, mêlé de rayons et d’ombres, et l’on a également tort de condamner ses principes à cause de ses excès ou de solidariser ses excès avec ses principes.

Au nom de ces principes mêmes, je revendique la liberté de la juger... librement, et non pas même d’opposer 1789 à 1793, mais d’admettre jusque dans ce tragique 1793, dont je déteste les horreurs, les jours héroïques et glorieux qui sauvèrent la Patrie.

La Révolution n’est donc pas un mot qu’il suffise de prononcer pour que toute sa signification s’en dégage ; mais la Contre-Révolution, moins encore. M. de Mun la proposait et il l’exaltait sur le ton du plus convaincu de ses apôtres, mais sans jamais en donner une définition qui permit de mesurer sur un programme