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que connue. On lui reproche de parler au citoyen de ses droits sans rien dire de ses devoirs. Rien n’est moins vrai. D’abord le préambule rappelle expressément « leurs devoirs » à tous les membres du corps social. Et puis certaines dispositions précisent ces devoirs. Et enfin, en disant que « l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits, » l’article IV ne marque pas seulement une limite, il précise et il impose un devoir. Lisez ou relisez cette Déclaration : vous n’y trouverez pas un mot qui heurte votre opinion ou qui froisse votre croyance. Elle est la charte des droits qu’aucune société ne peut abdiquer et l’expression des principes dont tout régime politique, quel qu’il soit, est tenu de faire sa base constitutionnelle. M. de Mun, orateur ou écrivain, ne combattait-il pas d’ailleurs la Révolution avec les armes mêmes, c’est-à-dire avec les libertés, que la Révolution avait mises entre ses mains ? Ses amis avaient la fierté de son talent, mais la hardiesse de ses négations les effrayait, et, après un terrible réquisitoire qu’il avait prononcé en 1878 contre la Révolution « maudite », il savait bien, puisqu’il l’a dit, que la droite de la Chambre l’applaudissait par sympathie pour sa personne, mais non par adhésion à ses principes. M. de Falloux, peu suspect pourtant, l’attaquait vivement du dehors, et même les royalistes les plus attachés au comte de Chambord se disaient peu satisfaits d’une franchise dont ils redoutaient l’audace au moins autant qu’ils en admiraient la loyauté.

Seul, le Prétendant, isolé dans sa splendide intransigeance, adressait à l’orateur un compliment sans réserve, et il en précisait ou il en aggravait la portée dans la phrase célèbre : « Il faut, pour que la France soit sauvée, que Dieu y rentre en maître pour que j’y puisse régner en roi. » M. de Mun, tourné tout entier vers Dieu, n’avait pas encore appelé ce roi de ses vœux publics, et il n’était pas allé au delà d’une affirmation assez vague qui unissait « sa foi politique et sa foi religieuse. » Il fit le pas décisif en 1881, à Vannes, le 8 mars, dans un discours admirable, l’un de ses plus beaux par l’accent et par la forme, où le cri du Havre : Pour le Christ et pour la France, se complétait par la formule séculaire : Dieu et le Roi. Ainsi l’évolution de M. de Mun était complète ; il se donnait tout