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du seul étendard de sa foi. Avant la guerre de 1870, il était royaliste d’habitude, ayant grandi dans la tradition légitimiste, plutôt qu’avec ferveur et réflexion. Il a dit lui-même qu’il ne sentait pas en lui « la raison d’être d’une fidélité dont il n’avait jamais connu l’objet et qui demeurait passive. » La guerre le rallia au trône et la monarchie du comte de Chambord lui apparut comme l’expression politique des idées qui germaient dans son esprit. Il était convaincu que la « foi catholique est, dans l’ordre social aussi bien que dans l’ordre politique, la base nécessaire des lois et des institutions. » Ainsi parlait-il comme candidat : à peine élu, il employait une formule plus saisissante, qu’il faut citer parce qu’elle résume tout l’effort de sa vie : « Opposer à la Déclaration des Droits de l’homme qui a servi de base à la Révolution la proclamation des Droits de Dieu qui doit être le fondement de la Contre-Révolution. » C’était un cri de guerre. On ne pouvait pas reprocher à M. de Mun de dissimuler ses desseins, mais faut-il être surpris de l’ardeur et même de la violence que la bataille ainsi engagée et prolongée pendant un tiers de siècle déchaîna entre les partis ? Vous n’avez pas à redouter que j’en fasse revivre devant vous les incidents et le tumulte. Je ne serais pas, vous le savez, de l’avis de M. de Mun ; mais si cette conférence, quoique inspirée par une admiration sincère pour un grand talent et pour un grand cœur, ne peut pas être un panégyrique, je n’aurai pas l’inconvenance d’y chercher, surtout ici, l’occasion d’une polémique ou d’une controverse.

Le temps a fait son œuvre et l’histoire peut juger. Elle juge les hommes selon la mesure qu’ils ont donnée de leur sincérité et de leur désintéressement. A ce double titre, et sans rien dire de son talent, la postérité, même celle qui n’a pas besoin de la frontière pour s’établir, a commencé pour M. de Mun. A propos d’un acte civique de Jules Simon, son ancien adversaire, il disait : « Quelle que soit l’opinion des hommes, il faut saluer la hauteur du courage et la force des convictions. Car rien n’est plus grand qu’un ferme caractère et plus noble qu’une âme indépendante. » Ce bel éloge s’applique à M. de Mun lui-même, et, pour ma part aussi, je n’en sais pas de plus grand. Mais M. de Mun, s’il m’est permis d’employer cette expression familière, jouait la difficulté : il y avait de la témérité dans son courage et son indépendance avait quelque chose d’un défi. Un prédicateur