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La délicatesse du Grand Écuyer, le général Fleury, et les objections de la famille de M. de Mun eurent raison d’une intention que le dépit d’un avancement manqué avait surtout déterminée. En 1869, il prit part aux manœuvres d’ensemble du camp de Châlons, et il reçut son brevet de lieutenant, « attendu pendant sept ans, » des mains du Prince Impérial dont le doux visage ne laissait pas deviner l’effroyable destinée. « Mais on avait confiance. Le camp de 1869 fut comme le dernier rayon que jette avant de s’éteindre le soleil mourant. Son éclat nous aveuglait. Brusquement, un an plus tard, nous devions, de cette lumière, tomber dans la nuit tragique. »

Albert de Mun, instruit par les événements de 1866, avait peut-être deviné la guerre, mais il n’avait pas soupçonné la catastrophe. La guerre déclarée, il fut de la campagne comme officier d’ordonnance du général de Clérembault, qui commandait à l’armée de Metz la cavalerie du 3e corps. Après Borny, Gravelotte et Saint-Privat, la croix de la Légion d’Honneur récompensa ses services, au bout de deux mois, le 24 septembre 1870. Mais la capitulation du maréchal Bazaine en fit un prisonnier de guerre qui, sur sa parole, demeura à Aix-la-Chapelle pendant quatre mois, jusqu’au 8 mars 1871. Sa libération ne fut pas une délivrance, puisque, hélas ! la guerre étrangère terminée, il dut prendre part à la répression de la guerre civile sous les ordres du général de Ladmirault, qui l’attacha à son état-major. Quand l’insurrection fut vaincue, Albert de Mun se posa le problème de sa propre destinée. Il n’hésita pas longtemps. L’armée lui semblait en quelque sorte « consacrée par les épreuves, les deuils et les humiliations de la patrie, » et pris « d’un immense désir de régénération chrétienne et sociale, » il en trouva tout d’abord la réalisation dans l’accomplissement d’un devoir professionnel où il vit « la fonction patriotique par excellence. » Affecté successivement au 9e dragons et au 3e cuirassiers, il devint un excellent officier, dont les notes attestent pendant plus de quatre ans le zèle, le dévouement, le goût de l’étude et du travail, l’instruction solide, l’aptitude soit au commandement, soit à des missions spéciales. Alors qu’un bel avenir paraissait s’ouvrir devant ce jeune capitaine, il donna sa démission en novembre 1873. « Sa résolution, arrêtée depuis longue date, lui est dictée, disait le général de Ladmirault dans son rapport au ministre, par des