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de soutenir les œuvres françaises à l’étranger. Or, depuis quatre-vingts ans qu’il existe, le collège d’Antoura a reçu de précieux encouragements oraux, mais savez-vous à combien se montent les secours matériels qui lui ont été alloués ? Exactement à 7 000. Sept mille francs, que j’ai reçus l’an dernier et qui m’ont permis d’installer un embryon de cabinet de science et de bibliothèque : deux mille francs du ministère de l’Instruction publique, deux mille des Affaires étrangères, trois mille du prix Debrousse de l’Institut de France. C’est tout. Car les quinze bourses que le Consulat général de Beyrouth nous confie très gracieusement, je ne puis les compter comme des subventions proprement dites, puisqu’elles payent l’entretien de quinze boursiers.

« Et ce manque de ressources n’est encore rien auprès du manque de personnel. Nous sommes en règle ; nous avons l’autorisation, et on ne nous laisse pas servir ! Quel désastre que la diminution progressive des missionnaires français ! En 1911, nous étions à Antoura, prêtres et frères, vingt-cinq lazaristes. Trois ans plus tard, nous voici vingt. Les cinq défunts n’ont pas été remplacés, faute de sujets. Sur ces vingt, six sont à la retraite, usés par le travail. En ce moment, monsieur Barrès, vous voyez ici dix prêtres valides et quatre frères pour assurer la marche d’une œuvre très lourde. À mes demandes pressantes de renfort, l’autorité supérieure de notre Compagnie me rappelle tristement la pénurie des sujets et le besoin aussi urgent des autres missions, en Chine, Madagascar, Amérique. Nos supérieurs majeurs en souffrent autant que nous. Alors devant la détresse générale, nous prenons notre parti de vieillir avant l’heure… Mais par qui serons-nous remplacés ? Par des missionnaires d’autres nationalités, qui apporteront dans nos collèges un esprit qui ne sera plus celui de la France.

« Monsieur Barrès, instruisez, émouvez les esprits ; faites qu’on ne paralyse pas nos efforts, qu’on nous laisse lutter avec toutes nos armes, contre des concurrents qui disposent de ressources presque illimitées… »

Je pense que le lecteur, qui entend ici M. Sarloutte, ne nous reprochera, ni à lui, ni à moi, ces précisions ! Comme on jouit mieux d’une belle œuvre, quand on en connaît les ressorts, les fièvres, les angoisses ! Par de tels détails, humbles et minutieux, nous pénétrons dans la cellule du Supérieur d’Antoura,