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dans une œuvre de dévouement et de sagesse. Comme c’est beau, cette plus haute pensée de l’Occident, qui, par eux, se promène dans les sentiers des bacchantes et d’Hendiyé !… Ainsi je songe, en écoutant M. Sarloutte, qui m’expose ses efforts, pour donner à l’enseignement de sa maison un caractère plus scientifique.

— Quel est votre avenir ? lui dis-je. Quelles difficultés vous inquiètent ? Dites-moi vos ennuis, vos craintes.

— Mes craintes ! Je redoute la concurrence passionnée, intelligente, patiente, merveilleusement outillée qui nous entoure. Vous avez vu à Beyrouth le fastueux établissement de la Mission américaine et ses œuvres dans le Liban. C’est un effort loyal, mais d’autant plus redoutable. Ces Américains étalent au plein jour leurs immenses ressources. Grand danger pour nous, dans un pays où la richesse a tant de prestige !… Et puis il y a les Italiens. Il n’y a pas cinquante ans que la langue et l’influence italiennes avaient la prééminence en Syrie… Enfin les plus dangereux, à mon avis, ce sont les Allemands, dont l’action revêt toutes les formes : industrie, commerce, œuvres de bienfaisance et d’éducation. Jusqu’ici ils n’ont pu suivre, dans le Liban, nos concurrents italiens et américains, mais en dix ans, quels progrès à leur actif ! La Palestine et Caïffa, au Sud ; Alexandrette, au Nord ; Alep, à l’Est : voilà tout ce qui nous échappe. Que nous reste-t-il de nos anciennes possessions morales ? Le Liban à peu près intact, et une mince bande de la côte de Syrie.

— Vous voyez la situation bien en sombre !

— Regardez nos enfants ! Ils vous disent assez que nous ne manquons pas d’espérance. Nous manquons d’argent et surtout de personnel. Notre collège a bel aspect, mais nous réussissons tout juste à subvenir aux réparations les plus urgentes. Nous autres, lazaristes, nous sommes missionnaires avant tout, et, par là, obligés de faire une part très large à la charité. Et puis la Syrie, le Liban surtout, sont plutôt pauvres, et notre modique pension de cinq cents francs semble déjà bien lourde à la plupart des familles. Sous peine d’écarter une foule d’enfants intéressants, il me faut faire des concessions telles que, sur deux cent quatre-vingts petits Maronites, je n’en connais qu’un seul qui paie sa pension complète. Alors je réclame de l’aide, des secours, soit officiels, soit privés.

« La France et le Gouvernement ont admis la nécessité