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elle fuyait jusqu’au plus haut des arbres, comme pour atteindre de ciel, de même parfois encore, sous une poussée irrésistible, elle accomplissait des actes fâcheux. Elle ne pouvait pas en avoir de regret, car elle y était contrainte par une force surnaturelle. En toutes choses, elle gardait une paix douce et profonde, comme un sceau divin apposé au plus intime de son être, pour marquer que Dieu y habitait toujours, malgré les apparences contraires. Une âme et un corps d’Assomption, incapables de vertige…

Ah ! la sève spirituelle de l’Orient n’est pas épuisée !

Il faut peupler d’images le Liban. Je ne présente ici qu’un feuillet de l’album souhaité. Je voudrais qu’on nous fournît une abondante illustration, une suite de figures qui puissent nous faire saisir, d’âge en âge, la vibration continuée de Byblos et d’Afaka.


VII. — UN DÉJEUNER CHEZ LE PATRIARCHE MARONITE

Cette idée que j’essaye de donner du Liban serait trop incomplète, si je négligeais de montrer, au cœur de la montagne, Sa Béatitude le Patriarche maronite, chef et symbole de sa nation.

Mgr Hoyeck m’a fait l’honncur de m’inviter à Békerké. Békerké, sa résidence d’hiver, au-dessus de Djouni, et le couvent même qu’avait fondé Hendiyé… Cette visite, je la raconterai brièvement. Pas de portrait, pas même d’esquisse ; simplement trois, quatre touches de couleur, pour mettre en place le vieux Patriarche et sa cour ecclésiastique, si curieusement bariolée, au milieu de son double domaine, féodal et spirituel.

Avant de monter à Békerké, le matin, en cours de route, je suis entré, au ras du rivage, chez les frères maristes de Djouni, ceux-lâ mêmes qui m’avaient si aimablement guetté, sur la route, quand je revenais d’Amschit. Une bonne école primaire supérieure, doublée d’une école des sœurs de la Sainte-Famille, ou deux cent soixante garçons et deux cent soixante-seize filles parlent, tous, le français… Je n’oublierai jamais deux petits violons encadrant un piano et qui, jouant tous trois la Marseillaise, appelaient la France, au grand enthousiasme de ces enfants arabes.