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fouiller de cellule en cellule, pour trouver la prisonnière. La tante de la jeune religieuse errait avec eux, en l’appelant par son nom, jusqu’à ce que du fond de la terre une voix éteinte lui répondit. Les soldats découvrirent alors le souterrain où se trouvait cette malheureuse. Rose agonisait, étendue par terre, toute déchirée des tortures qu’elle avait subies. Elle raconta comment sa sœur était morte sous les coups du moine Elios Baracal el-Halalu, qui prétendait tuer son corps pour sauver son âme et lui arracher les pactes infernaux qu’elle avait passés avec le démon.

… J’avoue que cette fin du roman est abominable. Toutefois, ne nous hâtons pas de maudire notre bacchante. Ces archanges, qui exhalent par toute leur âme une surabondance de vie spirituelle et une sorte d’hymne perpétuel à l’Infini, attirent autour d’eux des êtres plus grossiers, qui, tout en prenant leur rythme, les exploitent et tendent par là à les avilir. Aussi ne serais-je pas loin de croire qu’il faut laisser à sœur Catherine seule, ou à quelque autre personne de l’espèce basse, la responsabilité de ces horreurs. D’un bout à l’autre de sa vie, Hendiyé me semble avoir été douce, triste, obstinément perdue dans son monde chimérique, dans une longue conversation avec le ciel. Qu’à notre point de vue elle ait été menteuse et trop audacieuse à feindre, c’est vraisemblable. Mais dans l’ensemble, nul doute pour moi qu’elle n’ait été compromise par la sœur Catherine, comme cela dut se passer dans les cortèges d’Adonis, qui renfermaient un élément sincère autour duquel se groupaient les plus équivoques bénéficiaires. Dans le couvent de Békerké, tout enveloppé de mystère, tandis que sœur Catherine exerçait son despotisme et peut-être faisait la débauche, Hendiyé, retirée au fond de sa cellule, se sentait devenir déesse, et rêvait de s’adjoindre, comme quatrième personne, à la Trinité.

Il fallait en finir. Le Patriarche, enfin désabusé, adressa un rapport au Saint-Siège. L’Emir gouverneur de la province envoya des forces pour saisir Hendiyé et ses religieuses. Celles-ci s’enfuirent, et se cachèrent dans une maison de ferme, à Beït Chabal. On parvint à les retrouver, et on les incarcéra. Rome, en date du 17 juillet 1770, ordonna la dissolution de la Congrégation du Sacré-Cœur.

La pauvre Hendiyé ne mourut que vingt ans plus tard dans