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couvent et fait éclater d’effroyables révélations : ce couvent, c’est un lieu d’orgie ; la sœur Catherine, vice-présidente de la congrégation, impitoyable pour ceux qui ne croient pas à la sainteté d’Hendiyé, frappe les religieuses, et même elle en a supprimé quelques-unes par le poison. Un scandale enfin éclate, qui ne permet plus de douter, et qui, après avoir montré l’ardeur et vraiment la déraison criminelle de ce groupe de religieuses ou plutôt de ménades, allait amener leur perte. Mais je veux me borner à publier la chronique syrienne qui me guide.

M. Antonin Wardi, de Beyrouth, avait ses deux filles, sœur Nassima et sœur Rose, au couvent d’Hendiyé. Il reçut d’elles, par des voies secrètes, une lettre, où elles lui racontaient comment la sœur Catherine les tenait en prison, et leur faisait subir des tourments. Il courut à Békerké, où il rencontra la sœur Hendiyé, qui le fit mettre dehors, sans qu’il pût obtenir de voir ses filles. Toutes ses instances et ses démarches multipliées furent également vaines. Alors, au premier mai 1777, il adressa à S.B. le Patriarche maronite une requête accusant la Mère Hendiyé et ses religieuses de séquestration et de tentative de meurtre. Le Patriarche le convoqua immédiatement, et se rendit avec lui au couvent, où il interrogea la Mère Hendiyé. Celle-ci répondit que les sœurs Nassima et Rose appartenaient à la franc-maçonnerie, qu’elles y avaient été initiées par leur père lui-même, et qu’elles avaient essayé de répandre parmi les religieuses l’esprit diabolique de cette secte. Ce qui fut confirmé par plusieurs religieuses, qui déclarèrent s’être affiliées à la maçonnerie, pour tenter de ruiner le culte du Sacré-Cœur.

Sur l’ordre du Patriarche, les deux religieuses furent relâchées, mais elles gardèrent leur voile et restèrent dans le couvent.

Quelque temps après, Antonin Wardi apprend que ses filles étaient de nouveau emprisonnées, et que l’une d’elles, morte sous les coups et les tortures, vient d’être enterrée dans le couvent. Il accourt. Cette mort lui est confirmée, mais on refuse de lui laisser voir la survivante. Alors, presque fou de désespoir, il en appelle à l’émir Youssouf Cheale, gouverneur de la province. Ce prince envoie un détachement de cavalerie, avec ordre de livrer la religieuse emprisonnée. Hendiyé refuse d’obéir. Les cavaliers forcent les portes du couvent, et se mettent à le