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donna ses cartes d’entrée. Je m’y suis rendue avec mon frère, et nous avons été placés au premier rang, entre l’évêque et le consul de France. Dans les premiers jours de septembre, M. Renan partit pour Amschit. Il laissait chez nous son gros bagage et me promettait de passer nous dire adieu, avant son départ pour l’Europe. Quelques jours après, quelqu’un vint de sa part prendre les malles et m’annoncer que Mlle Henriette venait de mourir, que M. Renan, lui-même bien malade, devait rentrer au plus tôt en France. Je ne l’ai plus revu depuis.

…Voilà tout un petit bavardage qui me rappelle l’enquête que j’ai vu Déroulède mener, près de Saint-Sébastien, dans la montagne de Passages, pour retrouver la chambre qu’y habita Victor Hugo. Une vieille femme nous y raconta des histoires qui nous intéressèrent fort, jusqu’au moment où il nous fallut bien comprendre qu’elle superposait à la figure du grand poète le visage fâcheux d’un commis voyageur en vins de Bordeaux…

Cette population libanaise, entre les colonnes du temple, voit les jeux des colombes qui se poursuivent ; elle s’intéresse d’une manière exagérée à leurs agitations gracieuses, qui la détournent des cérémonies du culte, et lui cachent même la beauté de l’édifice. C’est très comique, l’obstination de ces deux femmes qui ont vu M. Renan, tout le jour, corriger, rédiger et dicter à sa sœur la Vie de Jésus, et qui l’ont pris bonnement pour un amant inquiet ! Un tel contre-sens est tout au moins documentaire sur les manières de voir des villages syriens. Ils ont l’imagination amoureuse, dans ce pays, et l’épisode vaut peut-être d’être retenu en marge d’une excursion au temple des bacchantes d’Afaka.


Il était neuf heures, quand nous sommes partis à cheval de Ghazir, pour monter en une heure à Ghiné. Et de là, sitôt le déjeuner, nous sommes allés à pied, à quelque cent mètres, voir les bas-reliefs d’Adonis.

Au milieu d’un cirque accueillant, tout cultivé et aménagé en terrasses pour les mûriers, un petit rocher de quelques mètres porte les sculptures fameuses. Des enfants avaient suspendu leur escarpolette dans un figuier, au-dessous du rocher. Ils interrompirent leur jeu, pour écarter aimablement les épines sauvages et la vigne, qui nous masquaient un peu les trois panneaux.