Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la valeur de reconstruction d’un château historique. Dans ce qui doit être payé, tout ne présente pas le même caractère d’urgence ; il y a un ordre de priorité à établir en tenant compte de la nature et de l’importance du dommage et des acomptes déjà reçus par l’intéressé.

En résumé, réaliser l’équilibre budgétaire pour 1923 n’est qu’un aspect, et non le plus important, du problème actuellement posé qui est celui de la trésorerie et de l’avenir monétaire du pays. Il faut y apporter d’urgence les solutions nécessaires, en limitant, par exemple, la somme totale à dépenser en 1923 pour dommages de guerre à huit milliards. La crise actuelle nous fait toucher du doigt le péril d’une inflation illimitée et d’un change déprécié. Si le Gouvernement prend à temps ses décisions et ses responsabilités, la Chambre, dont le dévouement patriotique ne demande qu’à être éclairé et dirigé, n’hésitera pas à le suivre et le pays, si l’on prend la peine de l’instruire des raisons des sacrifices qui lui seront demandés, lui saura gré de son énergie.


Le roi George V, dans son discours du trône, le 14 février, a consacré une phrase aux affaires de la Ruhr : « Mon Gouvernement, tout en estimant ne pouvoir ni approuver cette opération, ni y participer, a agi de façon à ne pas ajouter aux difficultés de nos alliés. » Les actes du Cabinet que préside M. Bonar Law répondent à cette définition ; nous n’en voulons pour preuve que la négociation que M. Le Trocquer et le général Payot viennent de mener à bien à Londres, et que l’attitude loyale et amicale des distingués représentants britanniques en Rhénanie, lord Kilmarnock, membre de la Haute Commission, et le général Godley, commandant en chef des troupes d’occupation. Les gestes de M. Bonar Law, conformes à ses intentions, valent décidément mieux que ses paroles qui sont obligées de tenir compte d’une situation parlementaire assez délicate. Le discours qu’il a prononcé dans le débat sur l’adresse témoigne de ses perplexités. Il ne paraît pas se rendre compte que, dans la bataille d’opinion engagée, dans celle « épreuve d’endurance, » selon l’expression de lord Curzon ses prophéties de malheur sont un encouragement pour l’Allemagne et compliquent la tâche de M. Poincaré et de M. Theunis. Il pèche par une dangereuse incompréhension du caractère psychologique de la politique de l’Allemagne et de sa vraie situation économique ; lui aussi est la dupe des fameux « experts » qui ont cru trouver l’exact bilan de la fortune allemande au bas des