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pour cela les plus valables raisons ; il fallait reconstituer d’urgence la production agricole, minière et industrielle dans les régions libérées, et nous pouvions croire que les versements de l’Allemagne, au bout de ce temps, nous tireraient d’embarras. Nous faisons en ce moment tout ce qu’il faut pour que, plus tard, l’Allemagne paie ; mais, en attendant, il est prudent de régler nos dépenses comme si elle ne devait pas payer. Les facultés d’emprunt de la Trésorerie ne sont pas indéfinies ; on devine que nous approchons de la limite ; si on venait à la dépasser, l’État se trouverait dans l’alternative de suspendre ses paiements ou de s’engager dans la voie de l’inflation où il est impossible de s’arrêter.

Il faut donc arriver à un double résultat : équilibrer le budget ordinaire par de nouvelles recettes, et surtout alléger la trésorerie par une réduction des dépenses. Ces compressions ne peuvent porter ni sur la dette, ni sur les dépenses militaires déjà très réduites, ni sur le budget des Affaires étrangères insuffisant, ni, — du moins pour des sommes vraiment importantes, — sur aucun chapitre du budget ordinaire. On est donc amené à chercher ailleurs, à examiner de près les dépenses de reconstruction et à se demander si, tant que l’Allemagne ne paiera pas, il ne serait pas possible d’en ajourner une notable partie. Si douloureuse que puisse être une semblable décision, il ne faut pas hésiter à la prendre si elle est indispensable. Nous avons réussi déjà à réparer 50 pour 100 des dommages matériels, mais c’est au prix d’une dépréciation de notre monnaie qui équivaut à une confiscation d’une forte partie de la fortune acquise. Le problème qui se pose est donc de savoir si l’avantage de payer tout de suite tous les dommages de guerre, — si juste que cela soit d’ailleurs, — peut être mis en balance avec la nécessité de conserver à l’ensemble du pays une monnaie saine et un crédit solide. Il ne peut être question ni de retarder la reconstruction des villages, ni de ne pas achever, les usines déjà à moitié rebâties. Mais en limitant, pour 1923, les dépenses de l’État à la reconstruction immobilière, on allégerait déjà notablement la charge de la trésorerie. La loi de 1919 peut être, sans inconvénient grave et sans injustice, révisée. Personne ne conteste qu’il y ait eu des abus, notamment en ce qui concerne les cessions de dommages de guerre. Il est excessif qu’un particulier puisse, en achetant des créances de dommages de guerre, construire une maison de plaisance, ou qu’un industriel non sinistré puisse accroître son outillage ou ses bâtiments parce qu’il a acheté des dommages de guerre correspondant