Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

court terme destinés à remplacer les bons 1921 qui arrivent à échéance au cours de cette année. Le budget ordinaire se présentait avec un déficit de 3 900 millions, auquel le ministre des Finances proposait de parer par l’emprunt ; il estimait que la reprise générale des affaires amènerait, au cours de l’exercice, des plus-values, pourvu que l’on évitât d’entraver cet essor par une taxation exagérée, et qu’il suffirait, à la fin de l’année, d’un emprunt peu élevé pour combler le déficit. Cette thèse, vivement critiquée par la Commission des finances, a été finalement acceptée par la Chambre. Mais, depuis la fin de l’année 1922, en présence de l’échec de la Conférence de Paris et de la crise consécutive à l’occupation de la Ruhr, le Gouvernement a estimé nécessaire d’établir, sans recourir à l’emprunt, un équilibre réel du budget ordinaire et a déposé un projet de loi autorisant la perception, pour un an, d’un double décime additionnel sur tous les impôts : celui qui devait payer 100 francs paierait 120 francs. Le temps pressant, M. de Lasteyrie estimait qu’il fallait recourir à des moyens simples. Il s’agissait d’équilibrer le budget et aussi de montrer à nos amis et à nos ennemis que la France saura s’imposer tous les sacrifices nécessaires pour sauver son crédit et ses finances.

La Commission du budget s’est élevée contre ce projet auquel elle reprochait de ne pas rechercher les meilleures et les moins onéreuses sources de perceptions, et de trop accroître certaines taxes (douanes, impôt sur le chiffre d’affaires) qui deviendraient prohibitives et tueraient l’activité économique ; elle n’a donc accepté qu’un relèvement de un décime sur les tabacs et sur certains droits d’enregistrement (en tout 425 millions) et a proposé d’atteindre les fraudes fiscales, qui se pratiquent sur les valeurs mobilières au porteur dans les déclarations de succession et d’impôt sur le revenu, au moyen de l’institution d’un carnet de coupons. Ce projet a été finalement, grâce à l’insistance du rapporteur général M. Bokanowski, adopté par 4 voix de majorité, mais il paraît vraisemblable que, combattu à fond par M. de Lasteyrie, qui reproche au carnet de coupons d’être à la fois inefficace et inquisitorial, il sera repoussé par la Chambre. Le pire inconvénient de ce système serait encore de ne donner que des résultats très incertains, — les estimations varient de 700 à 1 200 millions, — et de n’être pas applicable pour le budget de 1923 que précisément il s’agit d’équilibrer. Il faudra trouver autre chose pour cette année et surtout, pour les années suivantes, il faudra résolument changer de méthode. Depuis trois ans, avec vingt milliards de ressources, nous prétendons en dépenser quarante ; nous avions