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d’une licence spéciale d’exportation pour l’étranger, qui comporte le versement d’une taxe en devises étrangères, soit d’une dérogation leur permettant de pénétrer en Allemagne non occupée moyennant un droit de 10 pour 100. L’exploitation des forêts domaniales est commencée.

Ainsi s’organise peu à peu le nouveau régime, malgré la résistance prescrite et surveillée par les ministres du Reich. Quatre cents fonctionnaires qui prêchaient la résistance ont été déjà expulsés. L’entrée dans la zone occupée a été interdite aux ministres du Reich ; mais une telle prescription est naturellement très difficile à appliquer. Des villes comme Gelsenkirchen, où des attentats avaient été commis contre nos soldats, ont été frappées d’une amende et occupées militairement ; les caisses municipales ont été saisies. Représailles et organisation marchent de pair. Les populations qui, lorsqu’elles se montrent tranquilles, sont non seulement ménagées, mais ravitaillées et secourues, finiront par comprendre que les grands industriels, qui disposent du Gouvernement et qui les excitent à la résistance, sont impuissants à les soustraire à l’autorité de l’armée d’occupation et qu’elles ont tout à gagner à travailler et à vivre en bonne intelligence avec elle. Les Allemands prétendent que les Franco-Belges ne parviendront jamais à administrer la Ruhr, à y contrôler le travail et la vente des produits fabriqués. Qui vivra verra. Dès maintenant, l’industrie allemande doit se passer des produits fabriqués dans la Ruhr, notamment des fontes et aciers ; il n’est pas sûr qu’elle puisse longtemps travailler sur ses stocks.

La plus significative manœuvre allemande de cette quinzaine a été la hausse du mark. Depuis 1918, le mark n’avait cessé de diminuer de valeur plus ou moins rapidement ; en janvier dernier, il tombait de 0 centime, 187 à 0 centime, 035. Tout à coup, à partir du 1er février, on le voyait remonter à 0,085. La situation économique de l’Allemagne s’était-elle brusquement améliorée ? Avait-elle cessé d’émettre de nouveaux billets pour entrer dans la voie des économies ? En aucune façon. La circulation fiduciaire qui atteignait deux mille milliards de marks le 31 janvier, s’augmentait encore de 209 milliards dans la première semaine de février et poursuivait sa course vertigineuse à raison de 40 milliards par jour. Il s’agissait, non d’un phénomène économique, mais d’une manœuvre imposée par le Gouvernement à la Reichsbank, malgré, dit-on, l’opposition de ses directeurs. Le mark ayant une valeur infinitésimale, ses cours sont sensibles aux moindres pressions ; il a suffi à la Banque d’Empire de sacrifier