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VINGT-SIX HEURES
DANS LES LIGNES ALLEMANDES
6-7 Septembre 1917

Un matin d’août tous les oiseaux de la 55 s’envolèrent dans le ciel de Ham... Nous quittions la Somme pour aller refaire nos nids dans un coin de l’Aisne tout près d’une ferme appelée « mont de Soissons. »

Je revenais de permission l’âme tout en deuil. Quelques jours auparavant je quittais ma famille à Dieppe, certain de mon salut, mais cependant avec l’impression obscure qu’un événement s’approchait et que j’étais arrivé à un carrefour de ma vie. J’avais d’abord dédaigné cette pensée comme une superstition. Et voici qu’à travers mes nostalgies, elle me revenait pressante, sévère comme un avertissement solennel. Mais, bien loin de m’en alarmer, je regardais ma destinée en face, comme nous la regardions tous en ce temps-là. J’éprouvais même une curiosité délectable, tant j’étais alors avide de nouveauté, impatient de l’avenir.

Le jeudi 5 septembre, j’assiste à la messe dans une grange de la ferme. Ma singulière ferveur au cours de cet office me prouverait que tous les pressentiments ne sont pas vains.

Dehors, ce n’est que fracas de moteurs, éclatements de cylindres. Le champ d’aviation ronfle, l’espace bourdonne. Los escadrilles arrivent. On prépare l’attaque du Chemin des Dames.

Nos pères consultaient jadis le vol des corneilles pour régler la marche des armées. Leur direction présageait les batailles et