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UNE AMITIÉ DE BALZAC
CORRESPONDANCE INÉDITE [1]

IV [2]

A la fin d’août 1833, Balzac, terrassé par le poids de ses travaux, accablé par le procès du Médecin de campagne, confie son désespoir à Mme Carraud : « Je me surprends parfois à prier... Un constant malheur, lui écrit-il, fait lever les yeux au ciel. Je suis triste ; je sens qu’à de tels travaux la vie s’en va, mais je ne la regretterai pas. Parmi les bons moments que j’ai eus, je compte ceux qui se sont passés près de vous. Dites bien à votre maître et seigneur tout l’attachement que je lui porte, et adieu pour aujourd’hui. Pensez à moi qui vous aime et pense à vous [3]. » Aux accents désolés de Balzac Mme Carraud répond aussitôt par un redoublement d’affection, d’amicale tendresse, de dévouement, de sollicitude.


Le 29 août 1833.

L’année dernière, à pareille époque, nous étions plus heureux tous. Moi, je vous avais ici ; vous n’étiez point menacé d’un sot et désolant procès ; vous couriez en Savoie chercher quelques heures de ce bonheur qui semble fuir et vous tantaliser perpétuellement. Oh ! oui, sot procès ; comment se peut-il faire qu’un libraire soit assez mal avisé pour vous tourmenter et vous chicaner ? N’eût-il que son intérêt pour guide, ne devrait-il pas se plier à toutes les exigences de votre tête d’artiste, et devrait-il vous traiter comme son relieur, par exemple, qu’il peut contraindre à lui livrer l’ouvrage qu’il lui a confié, à jour nommé ?

Il est donc des passions mauvaises qui font taire même l’intérêt !

  1. Copyright by Marcel Bouteron, 1922.
  2. Voyez la Revue des 15 décembre 1922, 15 janvier et 1er février 1923.
  3. Revue des documents historiques, 1879, p. 61.